Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/298

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Alle avait encor’ tout’s ses dents,
Son p’tit nez, ousqui’ pleuvait d’dans,
Était rond comme eun’ croquignolle,
        À Batignolles.

A buvait pas trop, mais assez,
Et quand a vous soufflait dans l’nez
On croyait r’nifler du pétrole,
        À Batignolles.

Ses appas étaient pas ben gros,
Mais je m’disais : Quand on est dos,
On peut nager avec eun’ sole,
        À Batignolles.

A gagnait pas beaucoup d’argent,
Mais j’étais pas ben exigeant !…
On vend d’l'amour pour eune obole
        À Batignolles.

Je l’ai aimée autant qu’ j’ai pu,
Mais j’ai pas pu lorsque j’ai su
Qu’a m’trompait, avec Anatole,
        À Batignolles.

Ça d’vait arriver, tôt ou tard,
Car Anatol’ c’est un mouchard…
La marmite aim’ ben la cass’role,
        À Batignolles.

Alors a m’a donné congé,
Mais le bon Dieu m’a ben vengé :
A vient d’mourir de la variole,
        À Batignolles.

La moral’ de c’tte oraison-là,
C’est qu’les p’tit’s fill’s qu’a pas de papa,
Doiv’nt jamais aller à l’école,
        À Batignolles.

Aristide Bruant.