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Page:La coutume d'Andorre.djvu/196

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pénibles le courage tenace des Aragonais. L’absinthe a fait depuis peu son apparition dans les cabarets, et j’ai été épouvanté de l’abus que certains jeunes gens en font : ce serait un devoir de prévoyance de prohiber ce poison.

Les mœurs sont très rigides à la surface : on expulserait sans pitié les femmes « folles de leurs corps » ; mais les fadrins, les jeunes gens, ne seraient pas de sang catalan s’ils n’étaient pas travaillés de violents désirs. Ce qui m’a le plus frappé dans l’ancienne criminalité andorrane, c’est la fréquence des procès de sorcellerie et des procès de viol et séduction.

Quand survient un enfant naturel, on l’évacue nuitamment, de village en village, vers quelque ville d’Espagne. Il n’y a pas très longtemps, l’amour maternel fut plus fort chez une malheureuse fille, qui s’obstina à garder son enfant : elle fut obligée de quitter le pays.

Cependant, la foi conjugale est religieusement respectée chez le plus grand nombre ; les vertus de famille ne sont pas énervées par une littérature malsaine. Je n’oublierai pas de la vie le récit émouvant que deux vieux andorrans nous firent, un jour, à Monsieur Romeu, viguier de France, et à moi, d’un drame sanglant. L’un des vieillards nous parlait de la victime : « Elle était belle », nous dit-il avec enthousiasme, « et chaste ! » Le narrateur se recueillit un instant. Nous étions sur un rocher qui domine l’âpre vallée ; dans ce rude paysage, on ne percevait que la rumeur éternelle qui monte des ravins de la Valira. Nous eûmes l’impression que nous étions reportés à plusieurs siècles en arrière, loin des théâtres et des boulevards, bien loin de tous ces sarcasmes impies qui bafouent l’honneur des mariages et qui tuent les peuples les plus forts.

Influences espagnoles. — Pour comprendre l’Andorre il ne faut pas perdre de vue qu’elle est sur le versant espagnol et qu’elle communique à peu près librement en toute saison avec la Séo d’Urgel, tandis que du côté de la France, en hiver, les ports sont souvent impraticables, les relations postales et même télégraphiques, interrompues. Les autorités andorranes arrêtent facilement le trafic