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Page:La coutume d'Andorre.djvu/199

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entraînent point. L’auteur du Manual Digest déclarait, au xviiie siècle, que les chemins faisaient grand honneur à l’administration locale : cela prouve simplement que cet écrivain était un sage et qu’il se contentait de peu. Il est vrai que le même recommandait de tenir les chemins des ports raboteux et difficiles, de façon qu’on pût seulement passer. À ce point de vue, la viabilité andorrane est bien près de répondre à l’idéal : de roulage, il ne faut point parler ; les transports se font à dos de mulet. Il existe dans les Vallées deux pianos : l’un a été porté de France à travers la montagne par deux équipes de dix hommes chacune.

On travaille actuellement à une route qui reliera la France à Soldeu et que l’on se propose de continuer jusqu’en Espagne ; elle rendra d’incontestables services, bien qu’une portion soit condamnée à rester inutilisée en hiver. Elle activera le mouvement commercial, surtout du côté de la France, où les Vallées achèteront sans doute le pétrole, le sucre, peut-être partie de leur vin, etc. Dès à présent, les cerveaux andorrans fermentent de projets et d’illusions. La dernière fois que je fis le trajet d’Encamp aux Escaldes, je rencontrai une tartane que deux mulets et six hommes tiraient, poussaient, portaient vers Canillo. Un véhicule à Encamp ! Je crus à une hallucination. Sur tout le parcours ce fut un événement : les populations eurent comme un avant-goût des changements profonds que l’ouverture d’une route apportera au pays.

L’avenir. — Peut-être sera-t-il prospère un jour. Les progrès de la chimie industrielle et de la physique autorisent à cet égard bien des espérances. Plus d’une fois, en contemplant les gigantesques rochers de l’Anclar et de Meritxell, dans ces solitudes si propices à la rêverie, je me suis demandé ce qui adviendrait de l’Andorre si on mettait le granit en actions. C’est une chimère peut-être ; mais dès à présent le transport de la force à distance a motivé des demandes de monopoles, et certains habitants, parmi les plus éclairés, m’ont paru portés à les accueillir. Les hommes chargés des intérêts de l’Andorre ont le devoir de la défendre contre ces impatiences naturelles, mais dan-