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Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/12

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Peints d’un rouge canaille et d’un bleu de coiffeur.
La Vierge au cœur saignant et le Divin Sauveur,
L’archevêque mitre, le martyr et sa palme,
Ils sont là tous, en rang d’oignons, l’air bête et calme,
Fixant sur vous des yeux par l’extase arrondis.
— Si c’était comme ça, pourtant, le Paradis ?

III

Avec un dur fracas de chaînes et de roues,
Passe près du trottoir le fardier blanc de boues ;
Et l’on ne frôle point sans de petits frissons
Le chariot pesant où, sur des paillassons,
Cube énorme, frémit une pierre de taille.
Six percherons aux pieds poilus, de haute taille,
D’un seul et rude effort traînent le bloc massif ;
Et le Parisien se demande, pensif,
Lorsque ce monstrueux morceau de sucre passe,
De quel géant il doit sucrer la demi-tasse.

IV


Se reposer ! Enfin ! Ne plus voir de « premières » ;
Soigner un jardinet plein de roses-trémières
Tout là-bas, boulevard Montparnasse ; y manger
En se sentant vieillir, un petit viager ;
Par les soirs clairs de juin, s’en aller en savates
Près de l’Observatoire, où sont les acrobates ;
Avoir le Luxembourg pour
Ultima Thule ;
Et rester cependant, dans ce coin reculé,
Par un vieux goût malsain de la littérature,
L’abonné d’un petit cabinet de lecture !

FRANÇOIS COPPÉE.