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Puis l’horrible symphonie décrût ainsi qu’une mer qui s’apaise.

Et sous l’archet du Démon s’épanouit alors tout un orchestre ; — s’épanouit alors comme une grande fleur au troublant parfum, — tout un orchestre.

Les violons traînaient des notes pâmées, et parfois miaulaient comme des chats.

Les flûtes éclataient de petits rires nerveux.

Les violoncelles chantaient comme des voix humaines.

La valse déchaînait son grisant tourbillon.

Rythmée comme par des soupirs d’amour ; Chuchoteuse comme les flots, et aussi mélancolique qu’un adieu ; Désordonnée, incohérente, avec des éclats de cristal qu’on brise ; Essoufflée, rugissante comme une tempête ; Puis alanguie, lassée, s’apaisant dans une lueur de bleu lunaire.

Et par l’archet du Démon évoqués, — les Souvenirs passaient ; cortège fantomatique et muet,

En robes blanches et nimbés d’or, les Souvenirs radieux, les bons et purs Souvenirs ;

Sous leurs longs voiles de deuil, les douloureuses Ressouvenances ; Les ombres des Amours morts passaient couronnées de fleurs désséchées.

L’archet s’arrêta avec un grincement sourd.

Le Démon était toujours devant moi avec son sinistre rictus ; Mais ce n’était vraiment qu’une simple eau-forte. Dans l’air opaque, le ciel pesait comme un remords.

Marie Krysinska.

LE CHARPENTIER

Sur la cloison frêle où vibre mon cœur,
Sirène aux yeux verts, mets ta main d’albâtre.
Dis, ne sens-tu pas qu’un marteau vainqueur,
À coups redoublés, sans cesse y vient battre ?