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LA
LIBRE REVUE

UN HOMME DE SANG


Le duc d’Albe !

Cette sinistre figure du « duc de sang» — Wellington fut « le duc de fer » — passe dans l’histoire comme le fantôme sanglant du despotisme. Tel maître, tel valet. Au blême Philippe II, il fallait ce lieutenant féroce. Le roi le savait bien. Le duc était parti d’Espagne, emportant dans une malle des blancs-seings de son maître, mots d’ordre donnés d’avance au bourreau. Sa Majesté le Crime avait confiance en Son Excellence l’Infamie.

Quand il apparut aux Flamands, hautain et dur, les pauvres gens se sentirent perdus, il entre à Bruxelles par la porte de Louvain, comme un tortionnaire en tournée. Il promène sur la foule atterrée un regard de bête féroce guettant sa proie, et son premier mot a l’indifférence cruelle et froide d’un exécuteur sûr de son fait.

La peinture nous a conservé ses traits sinistres : le visage osseux, le nez recourbé comme le bec d’un oiseau de proie, la barbe longue, touffue, une barbe de bouc sous une bouche sauvage, et dont on entend, semble-t-il, les dents grincer. Imposant, d’ailleurs, dans ses costumes de bataille, cuirassé, tout prêt a la lutte, la tenue sévère et le front implacable, — on n’oublie plus cette tête dure dès qu’on l’a regardée. Partout vous suit le souvenir de la bête fauve.