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V

Vous allez me dire, peut-être, que je ne tardai pas à voir, de mes propres yeux, ce que c’était qu’un Préfet ? Eh bien, non, je ne vis rien ce jour-là. Tout à coup, deux coups de boîtes retentirent à nos oreilles ; M. Tavan se mit à crier quelques paroles et les pompiers remuèrent tous ; il arrivait une masse de gens avec des voitures sur la route de Crest ; j’entrevis vaguement M. Gresse, le maire, qui avait mis une ceinture de trois couleurs comme un drapeau ; alors, escorté par quelques mioches affolés comme moi de terreur, je courus me cacher chez Baptiste Canova, sous la grande table de la pauvre Viergine, sa femme, qui était repasseuse.

Lorsque nous sortîmes de notre cachette, il ne restait plus personne sur la route, et les derniers pompiers rentraient dans le village au son du tambour. Et voilà comment il se fait que j’ai cru pendant longtemps ce que m’avait dit Magnétou : qu’un préfet était une diligence avec quatre gendarmes, — deux devant et deux derrière.

Martial MOULIN.

AU CONCERT CLASSIQUE

« LE TEXTE »

I

Vingt-cinq ans, torse herculéen, œil flamboyant, tête énorme, front immense, geste impérieux, ton de commandement. Saluez ! c’est Le Texte. Il entre et voici qu’un frisson secoue toule la salle. On lui fait des entrées comme aux rois de la scène. « Le Texte ! voilà Le Texte ! demandez Le Texte ! qui veut Le Texte !… » Le vacarme va croissant, mais lui s’assoit, impassible, au milieu d’un groupe d’amis, et c’est un frénétique échange de poignées de mains. Tout le monde le connaît. Bien qu’à le voir on sent que c’est une force. Il y a en lui de l’athlète, de l’empereur et du pontife.