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Lune, astres chevelus, crinières de lions,
Il sut de quel métal vos entrailles sont faites,
Il scruta le brasier d’où partent vos rayons.

Et toujours plus avant il poussa ses conquêtes.
Des soleils monstrueux il pesa les blocs lourds,
Il mesura la route où passent les planètes.

Et sa soif n’étant pas étanchée et toujours
Il plongeait plus profond vers l’infini des astres,
Ce barathre effrayant où s’engouffrent les jours.

Or, il monta si haut qu’il heurta les pilastres
Du palais d’or où Dieu le Père allait rêvant
Au milieu des zigzags d’éclairs et des désastres.

Et le Seigneur cria : « Quoi, toujours plus avant !
« Ce n’est donc pas assez des révoltes de l’ange,
« La matière aujourd’hui se heurte au Dieu vivant.

« Cet être est, je le vois, d’un trop subtil mélange,
« Rivons donc à son aile, avide d’infini,
« Quelque lourd poids de chair qui le fixe à sa fange.

« L’homme est tendre : attisons, pour qu’il soit mieux puni,
« L’âcre et subtil venin d’une atroce vipère,
« Dont le dard fouillera l’âme du noir banni. »

Et l’Eden atterré vit alors Dieu le Père,
Groupant les éléments du fléau projeté,
Disséquer chaque fauve au fond de son repaire.

Du tigre impérial l’ongle fut amputé,
On quintessencia le venin du crotale,
La panthère apporta sa rage et sa beauté…

« Fiat ! » dit le Verbe, — et tout trembla dans l’intervalle,
Et vers l’antre où, déchu, le fauve allait rôdant,
La vipère, jalouse, attendit sa rivale…

Et la femme naquit d’un cauchemar d’Adam.

Zénon-Fière.