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REVUE MUSICALE

Académie et cuisine. — Le Sigurd de Reyer. — César Frank et le Chasseur maudit, à Pasdeloup. — La Farandole de M. Th. Dubois, à l’Opéra. — Siéba, à i’Eden-Théàtre-Concert Colonne. — La Manon, de M. Massenet, à l’Opéra-Comique.

Il s’est trouvé un homme nouvellement palmé pour déclarer l’autre jour en pleine Académie, aux applaudissements des cinq Instituts et de toilettes approuvantes, que l’Art « devait être la consolation, sinon l’oubli du vrai ».

Cet homme est l’auteur d’un volume de poésies que j’ai eu le tort de ne point lire, d’un vaudeville et de quatre ou cinq comédies, dont deux notables : l’une parce qu’elle est en vers, l’autre parce qu’elle a réussi. Il a voulu se faire pardonner le vaudeville. Dans ce but, avant le chant du coq, il a renié trois fois l’art, son maître. Ensuite le coq, c’est-à-dire le président, a chanté sur le même ton, et, tranquillement, a proclamé la négation de la vérité.

Cette incartade est quelque peu déshonorante pour les Français.

Le récipiendaire a, du reste, du talent, beaucoup d’esprit, et, entre autres, celui de donner des dîners où tout le monde passe, par fournées de nuances. De la sorte, il n’y a qu’une voix sur lui. Notez, dans la circonstance, un détail qui devrait éclairer ses amis : sa première pièce en vers, jouée à Paris, est intitulée les Parasites. Dans ces dîners, paraît-il, la conversation est idéale. On est entre hommes, la maîtresse de maison s’abstient de paraître et les plats se maintiennent chauds à force de rougir. Voilà une des raisons qui ont rendu succulente la table du nouvel immortel. Je ne suis point, moi, de ces alléchantes agapes et je me venge en criant le plus haut que je peux ; La Poésie est dans tout ; l’Art est la manifestation poétique du Vrai, sous toutes les formes.

J’ai tort, au surplus, de poser à nouveau les termes de cette vieille querelle vidée. On a beau vouloir rejeter la Vérité dans son puits, s’y mît-on quarante et quelques, on n’y réussira pas ; elle est de force à se défendre, les lutteurs ne lui ont jamais manqué et ne lui failliront point. Dans le passé, un certain Baudelaire, un artiste qui avait à la fois et la magnificence de la forme, et la grandeur de l’idée, a prouvé d’une façon énergique l’existence de la poésie dans la vérité la plus commune. Il prit comme sujet l’ordure, et de ce point de départ il sut monter aussi haut que peut s’élever la poésie lyrique. La démonstration est convaincante. Depuis, plusieurs l’ont répétée dans les vers,