Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHRONIQUE D’ART

EXPOSITION DES VINGTISTES À BRUXELLES

Les Vingtistes ?

Une réunion de vingt jeunes et audacieux peintres belges, aux avant-postes de l’armée artistique de leur pays, bataillant à larges coups de brosse pour les innovations modernes en peinture, à crânes coups de ciseaux pour la sculpture, et mettant dans l’organisation de leur exposition actuelle un entrain et un enthousiasme de vaillants et de convaincus.

Outre leurs œuvres qui s’étalent, débordantes de vie, dans les grandes salles de la rue de la Régence, on voit à côté, toutes à la rampe, les œuvres signées des artistes invités : Chase, Whistler, Sargent, Gervex, Stott, — ce qui donne un intérêt bien parisien à cette fête d’art.

William Chase a envoyé un Portrait exquis, tout en rouge, mais en rouge mat, calme, assoupi. Une enfant est peinte renversée sur un fauteuil, dans une pose délicieuse de nonchaloir, une enfant blonde, de physionomie charmante, avec deux yeux couleur de mer, attirants et profonds comme des abîmes glauques.

John Sargent fait face à Chase. Et le hasard veut que ce soit également un portrait et un portrait rouge qu’il expose.

Mais le rouge de Sargent est tapageur, il ameute, il crie, il est colère, il aboie ; le rouge de Chase chante, gazouille, il est tout en sourdine.

Le portrait de Sargent a de l’allure, de la crânerie, le modèle est campé, il conquiert d’emblée l’attention.

À la réflexion pourtant, il faut en découdre. Il y a en tout ceci beaucoup de chic, cet art manque de solidité, de dessous, il vise à étonner, à « épater » ; il est théâtral, il est poseur, il finit par lasser ; il renferme, comme un verre à champagne trop précipitamment rempli, plus de mousse que de vin d’or.

James Whistler. Celui-ci est un maître. De tous les étrangers, il est celui qui obtient le plus franc succès.

Le Portrait de mademoiselle Alexandre, symphonie en gris-vert, paraît une merveille. Le coup de pinceau, la touche, la facture sont d’une sûreté impeccable, d’une simplicité et d’une largeur magistrales.

Le Portrait de mademoiselle de C. témoigne d’un faire et d’une exécution plus étonnants encore. Il serait difficile de donner plus de gran-