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LES LIVRES

Gustave Flaubert : Lettres à George Sand. — Joseph Caraguel : Le Boul’Mich. — Louis Desprez : L’Évolution Naturaliste. — Edmond Lepelletier : L’Amant de cœur. — Th. de Banville : Riquet à la Houppe. — Léon Cladel : Kerkadek. — Émile Verhaeren : Contes de Minuit. — Émile Transer : Le Livre de la Toilette. — Léo Trézenik : L’Art de se faire aimer. — F. Fertiault : Histoire d’un chant populaire bourguignon. — Vicomte Oscar de Poli : Les Régicides. — G. Nadaud : Chansons à dire. — Paul Mahalin : La Belle Limonadière. — Paul Ginisty : L’Actualité militaire.

La publication des Lettres de Flaubert à George Sand (G. Charpentier, éditeur) sera l’événement de cette année. Flaubert s’exilait de ses romans ; il mettait une pudeur à ne pas laisser deviner une seule de ses opinions. Mais si dans l’œuvre de l’impeccable styliste, du cruel observateur, on ne voit que l’Artiste, dans sa correspondance on voit l’Homme. Et comme Flaubert ne jetait pas sa personnalité dans le râtelier du public, c’est avec un grisant intérêt qu’on pénètre dans sa vie intime, dans le secret de ses travaux. Ces lettres le montrent tout entier, sans pose, sans affectation, avec ses enthousiasmes un peu ridicules de romantique impénitent, sa haine contre la Bêtise universelle, — la Bêtise au front de taureau, a dit Baudelaire, — son impressionnabilité maladive. À toutes les pages des indignations éclatent, frénétiques. « Rugissons contre M. Thiers, écrit-il. Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois ! Non, rien ne peut donner une idée du vomissement que m’inspire ce vieux melon diplomatique arrondissant sa bêtise sur le fumier de la bourgeoisie… » Ailleurs il raconte comment, après avoir appelé « imbécile » une dame qui l’avait assommé avec ses discours spiritualistes et ses prétentions à l’idéal, il a traité de « dinde » une autre dame qui lui disait que Renan était un « coquin ». Dans une lettre du 3 juillet 1874

« L’Américain H. m’a soutenu que Saint-Simon écrivait mal.

Je l’ai traité d’une façon telle qu’il ne recommencera plus devant moi l’éructation de sa bêtise ». Dès qu’il cesse d’être « hhindigné comme saint Polycarpe », tout est perdu : « Je me sens, dit-il le 26 mai 1874, bedolle, vache, éreinté, cheik, déliquescent, enfin calme et modéré, ce qui est le dernier mot de la décadence. »

Laissant de côté les sentimentaleries de convention et les descriptions approximatives, M. Joseph Caraguel étudie dans le Boul’Mich avec une goncourtienne sûreté d’analyse, la vie matérielle et intellectuelle du Quartier Latin d’aujourd’hui, si différent de celui que chanta l’ex-ministre Lepère.

Ce roman évolue autour du poète Octave Salvy, — Tatave. Nous assistons à l’élaboration de ses deux volumes de vers, à son collage avec Floflo, à sa