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sa taille élancée et svelte, son visage couleur de rose et de lis, ses dents éblouissantes ; ses yeux, pur reflet de l’azur du ciel ; et sa longue chevelure dorée ! Comme elle contrastait, cette délicate fille de la grande cité, avec les beautés agrestes qui l’entouraient. Le marié, lui aussi, était beau : c’était un garçon de vingt-cinq ans, à la robuste stature ; son visage, un peu pâle, était encadré de cheveux noirs, ses yeux exprimaient la douceur et la bonté.

Quel beau mariage que celui qui allait s’accomplir : comme les jeunes époux semblaient bien faits l’un pour l’autre, comme ils seraient bien assortis et comme l’avenir s’annoncait riant et rose pour eux.

La foule des invités ne tarda pas à se former en cortège : chaque jeune fille savait d’avance quel était le jeune homme qui lui était destiné pour compère ; elle attachait selon l’usage un bouquet de rubans à sa boutonnière, le jeune homme lui offrait son bras et ils étaient compère et commère pour toute la durée de la noce.

La mariée, appuyée au bras d’un vieillard vénérable, son tuteur, ouvrit la marche, et les couples, à la file l’un de l’autre, la suivirent à la mairie.

Camille dit d’une voix résolue et joyeuse le « oui » solennel. Quelques personnes ont prétendu qu’en prononçant cette parole Sylvain trembla.

Les époux étaient unis devant la loi. Le cortège se reforma devant la mairie pour se rendre au village de Beaufort, où se trouve l’église protestante dans laquelle la bénédiction nuptiale allait être donnée.

Divers sentiers conduisent de Suze à Beaufort ; Sylvain voulait indiquer l’itinéraire à suivre ; mais, Bertrand, le garçon d’honneur, Léontine, la fille d’honneur, et Firmin, leur ami, qui n’avait pas voulu de commère pour pouvoir rester plus librement avec eux, avaient déjà pris les devants ; quelques couples marchaient derrière le couple d’honneur ; la noce tout entière les suivit, par ce chemin qui coupe perpendiculairement la ligne des coteaux de Suze et débouche sur la grande route de Crest à Beaufort, juste en face de la fabrique et du moulin du Roy.

Le meunier, sa femme cl ses marmots accoururent sur la route à la rencontre du cortège. Les jeunes ouvrières de la fabrique désertèrent l’atelier et vinrent également. Tout le monde connaissait Sylvain. L’on est familier à la campagne et, malgré la différence des conditions, chacun s’empressait autour de lui, on serrait ses mains, on le complimentait. Les ouvrières se mêlèrent en chantant aux gens de la noce et l’on fit un branle en l’honneur des mariés.