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LA POUPÉE DE CIRE

I

Tout au fond de la vallée, la Gervanne roule entre les pierres son onde limpide, sous des touffes de vernes et de saules nains. Non loin de chaque rive, se dressent des amoncellements de collines, portant de vieux villages gris dans leurs têtes rocheuses, des débris de remparts et de castels des temps féodaux : Monclars, Vaugelas, Beaufort, Suze et des hameaux nombreux.

Le printemps soufflait sur l’âpre contrée son souflle de jeunesse et de vie : la vigne avait déjà ses premiers bourgeons et tapissait les pentes rapides. Aux flancs des amphithéâtres s’épanouissaient, blancs ou roses, les amandiers et les pêchers en fleur. Les bois laissaient échapper des senteurs délicieuses et des chants d’oiseaux.

Les travaux des champs étaient suspendus pour ce jour-là dans la commune de Suze. Dès le matin les habitants sortaient des maisons, parés de leurs plus beaux habits.

Des fermes et des villages environnants, on se réunissait au hameau des Poiriers, sur l’aire qui sert de place publique ; les garçons étaient empressés plus que d’habitude auprès des jeunes lilles. Ce jour devait être un grand jour ; on allait célébrer le mariage de Camille et de Sylvain.

Sylvain, le meilleur, le mieux aimé, celui dont le père possédait le plus de terres ; le premier, parmi les garçons du pays ; et Camille, demoiselle élevée aux belles manières des grandes villes où son enfance s’était écoulée.

Les futurs parurent, et l’on entendit un murmure d’admiration. Qu’elle était belle, la mariée ! Comme elle était resplendissante sous sa couronne de fleurs d’oranger, drapée dans son voile blanc, avec