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Le voyez-vous sur la tour la plus céleste
Du haut palais avec une torche au poing ?
Il la brandit comme un héros fait d’un ceste.
D’en bas on croit que c’est une aube qui point.

Qu’est-ce qu’il dit de sa voix profonde et tendre
Qui se marie aux claquements clairs du feu
Et que la lune est extatique d’entendre ?
« Ô je serai celui-là qui créera Dieu !

« Nous avons tous trop souffert, anges et hommes,
« De ce conflit entre le Pire et le Mieux.
« Humilions, misérables que nous sommes,
« Tous nos élans dans le plus simple des vœux.

« Ô vous tous ! ô nous tous, ô les Pécheurs tristes,
« Ô les doux Saints, pourquoi ce schisme têtu ?
« Que n’avons-nous fait, en habiles artistes,
« De nos travaux la seule et même vertu ?

« Assez et trop de ces luttes trop égales !
« Il va falloir qu’enfin se rejoignent les
« Sept Péchés aux Trois Vertus théologales !
« Assez et trop de ces combats durs et laids !

« Et pour réponse à Jésus qui crut bien faire
« En maintenant l’équilibre de ce duel,
« Par moi l’Enfer dont c’est ici le repaire
« Se sacrifie à l’amour universel ! »

La torche tombe de sa main éployée,
Et l’incendie alors hurla s’élevant,
Querelle énorme d’aigles rouges noyée
Au remous noir de la fumée et du vent.

L’or fond et coule à flots, et le marbre éclate ;
C’est un brasier tout splendeur et tout ardeur.
La soie en courts frissons comme de la ouate
Vole à flocons tout ardeur et tout splendeur.

Et les satans mourants chantaient dans les flammes.
Ayant compris comme ils s’étaient résignés !
Et de beaux chœurs de voix d’hommes et de femmes
Montaient parmi l’ouragan des bruits ignés.