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— Qu’on l’emmène, dit le président.

— Pardon, monsieur le président, fait M. G… l’officier de tirailleurs, permettez-moi de vous faire observer que cet homme n’est pas celui que vous croyez, Ce n’est pas l’espion arrêté hier.

— Comment cela ? Le dossier est bien en règle.

Les juges furent interloqués.

— Je ne comprends pas l’arabe, reprit M. G…, mais plus j’examine ce soldat, plus je suis certain que ce n’est pas le coupable. J’étais présent lorsque l’adjudant-major l’a interrogé au camp.

On relâcha le pauvre Turco qui avait été mis en prison seulement par punition disciplinaire, et qu’on aurait fusillé le lendemain, à la place de l’espion, si la providence n’avait voulu qu’il y eut là, bien à propos, un de nos officiers, celui qui pouvait le mieux reconnaître le tirailleur à juger.

Un Vieux Turco.

CHRONIQUE MUSICALE

La Manon, de M. Massenet, à l’Opéra Comique (suite). — Hérodiade, du même
auteur, au Théâtre Italien.

Le troisième acte, l’acte de la fête au Cours-la-Reine est charmant. Il ouvre sur un ensemble de cris de marchands et un chœur de fête très réussis, il continue par le très joli duetto de Poussette et de Javotte : « La charmante promenade. » L’ariette de Lescaut qui achète tout, offre tout pour deux baisers, suffit à des couplets comiques. J’aime moins l’entrée de Manou sur un douze-huit : « Voici les élégantes, » mais une perle, la perle de la partition, c’est le dialogue du père de Des Grieux, type de sceptique très finement tracé, et de Manon. Ils se rencontrent dans la fête et Brétigny les nomme l’un à l’autre. Manon éloigne Brétigny sous un prétexte, s’appproche du comte Des Grieux et tâche indirectement d’avoir des nouvelles de son ancien amant. Les phrases tremblantes de Manon, sur la musique légère de la fête sont délicieuses. Le cantabile en mi mineur « Faut-il donc savoir tant de choses », qui se termine en duo est une des pages les plus senties et les plus Massenet de l’œuvre.

Notre héroïne apprend que Des Grieux est au séminaire de Saint-Sulpice et les financiers ont beau se disputer son attention à coup de ma-