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et de l’été, palpitantes épreuves destinées surtout à exercer les forces, à mesurer la valeur des champions appelés à disputer le Grand Prix, et où se font et se défont en quelques foulées tant de réputations chevalines.

C’est principalement lorsque la grande course internationale a été remportée par un Français que les réunions d’automne sont irrésistiblement attrayantes. Alors, plus d’appréhension, plus de crainte. On ne court plus pour combattre, mais pour s’amuser, et, comme dans la polka de Fahrbach, on y est tout à la joie. En outre, les performances antérieures ayant fait connaître le fort et le faible de chacun, les parieurs un peu prudents sont bien moins exposés à voir se renouveler les déconfitures d’antan.

Le prix le plus important de cette saison est le Royal-Oak, qui a été élevé pour 1883 à 40 000 francs et dont le montant a dépassé 59 000 francs. Cette riche dépouille est échue à Stockholm, la pouliche du haras de Lonray, qui avait précisément recueilli la même somme en gagnant au printemps dernier la poule d’essai, instituée en l’honneur de son sexe. Il y a des chifïres qui plaisent aux demoiselles.

Les fatalistes auront sans doute remarqué que, depuis trois années consécutives, le Royal-Oak est gagné par la pouliche arrivée deuxième dans le prix de Diane. C’est probablement pour ne pas troubler cet ordre de choses, et peut-être aussi par pure galanterie, que ni Frontin, ni Farfadet ne se sont présentés pour disputer cette course à leur belle rivale. Quant à ces deux grands craks, nous les reverrons peut-être dans le prix d’octobre, où ils auront à lutter contre leurs aînés, ce qui rendra leur triomphe plus glorieux, sans en augmenter beaucoup la difficulté, car la supériorité des produits de trois ans s’est incontestablement confirmée par la facile victoire de Farfadet dans le prix de Chantilly, où il avait cependant pour adversaire l’excellente Clio, et par le brillant succès des chevaux de cet âge dans l’Omnium.

Le prix Gladiateur, qui sera couru le 14 octobre, est, comme on sait, réservé aux vétérans. Parmi ceux-ci nous ne voyons guère, en dehors de Bariolet et de mademoiselle de Senlis, quel racer mériterait de se voir attribuer l’élégant objet d’art qui constitue pour le vrai gentleman la part la plus enviable de ce beau prix.

Il faudrait bien, toutefois, se garder de prendre ces appréciations pour des pronostics.

Les époques auxquelles paraîtra cette revue ne permettant pas d’établir exactement la nomenclature des chevaux appelés à figurer dans telle ou telle course, il nous sera très rarement possible de désigner des favoris. Pour notre part, nous envisageons la chose sans regret. Ce démesuré désir de gain, qui fait ressembler la pelouse de Longchamps à une Bourse en plein vent, rabaisse au niveau d’un jeu de hasard ces belles luttes où l’art seul devrait présider.

Mais s’il y a évidemment trop d’agioteurs, il reste encore un assez grand nombre de fidèles et platoniques amateurs qui, aimant les courses pour elles-mêmes, s’y intéressent sans jouer, en partagent les péripéties et s’émeuvent des efforts du coursier plein de cœur qui lutte jusqu’au bout pour arracher les palmes du Poteau.

C’est pour ceux-là que nous écrirons.

Gaston LE BEAUPIN.
Le Directeur : Martial MOULIN.           Le Gérant : CH. NOBLET.
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