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games poussés dans l’humus apporté par les vents, toutes feutrées de gramens, tout enverdurées d’orpins, tout embaumées par l’escalade sarmenteuse des chèvrefeuilles, des jasmins et des roses !

III

Métalli venait étendre des feuilles sur l’aire lorsqu’il aperçut, sur le seuil de la porte, une jeune fille qui picorait une longue grappe de passerilles.

En la voyant, il eut au cœur un soudain frisson de joie, et, tout en dénouant le grand drap, furtivement, il la regarda sous son large chapeau de paille de blé, se demandant pourquoi ce trouble. Il en avait vu tant d’autres qui ne lui avaient point fait impression !

Qu’avait-elle donc de si beau ? sa robe de serpillière ? son petit bonnet-linge ? sa petite croix d’or scintillant sur son sein, dans l’hiatus de son fichu ? ses sabots de bois blanc ?… Mais toutes les jeunesses des environs en avaient autant.

Était-ce donc une grande beauté ? Non, car elle ne lui paraissait pas plus belle que celles du pays.

Alors pourquoi l’avait-elle déjà charmé ?

Pendant que, sur le sol de l’aire, il promenait son râteau, égalisant ses feuilles, la nouvelle venue, tout en distribuant son pain au chien et des grains de raisin aux poules, et surtout aux oies qui, ne cessaient de crier l’alarme, le regardait, et, le voyant si bien découplé, si agile dans la vénusté de ses dix-huit printemps, elle se disait en elle-même : les garçons de ce pays sont braves tout de même, plus braves que nos Bedots !

Et, sans s’expliquer pourquoi, elle se sentit heureuse d’être tombée dans une grange où il y avait un garçon.

C’est que Métalli était réellement un beau type de paysan dont la beauté consistait en de larges épaules, des bras forts, de luxuriants cheveux d’un blond-roux, court-bouclés et drus comme des poils de fanons d’un taureau ; en quelques petites taches de rousseur parsemées sur ses larges pommettes cuivrées de soleil et en deux yeux d’un bleu-noir, audacieux et francs, toujours mariant le sourire de leur regard au sourire d’une bouche incessamment souriante.

À le voir on sentait que le pur sang gaulois coulait dans ses veines et qu’il était de cette race d’hommes vaillants au travail, hardis à la guerre, ardents au plaisir, entreprenants en amour.

Le jeune paysan qui venait de finir l’étendage de ses feuilles, s’approcha de la maison, en souriant à la nouvelle arrivée et en se préparant à lui souhaiter la bienvenue.

— Métalli, lui dit sa mère, conduis cette fille au chantier et dis à ton père que c’est l’aide qu’il a demandée.