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La mère Jeanne, en même temps donna un petit sac à la fillette ; Métalli chargea sur son épaule une échelle toute neuve et les deux jeunes gens se dirigèrent vers les vieux mûriers arrondissant là-bas leur touffe de feuillage.

Un beau soleil luisait, qui faisait striduler les sauterelles, pépier les plaintives mésanges, bourdonner les abeilles, se balancer les papillons encore engourdis de rosée, et tire-lirer, dans l’air bleu du matin, les alouettes invisibles.

Ils marchèrent pendant une centaine de pas, longeant une rangée de mûriers dépouillés, entre une verte ravière, des carrés de choux d’hiver et des sarrasins en fleurs, sans oser se regarder, sans se dire un mot ; mais ce n’était qu’un prélude.

Enfin Métalli :

— Il fait bien bon aujourd’hui ; qu’en dites-vous.

— Mais oui, répondit-elle, il fait bien beau.

Et ils marchèrent encore une centaine de pas, Métalli se demandant ce qu’il pourrait bien lui dire encore.

— Et vous êtes venue pour les amassailles ?

— Oui, répondit-elle timidement.

— Comment vous appelez-vous ? continua-t-il, en la regardant.

— Perlette. Et elle rougit un peu.

— Votre nom est aussi joli que vous.

— Oh vous vous moquez !

— Non, sans mentir.

Et Perlette rougit encore davantage.

En ce moment ils approchaient des cueilleurs.

Métalli, après avoir fait à son père la commission dont il avait été chargé par la mère Jeanne, se mit au travail.

Perlette en fit autant.

Lui était grimpé sur un mûrier, à côté de son père, et Bôte toujours goguenard, avec sa pipe au coin de sa bouche, son bonnet bariolé, posé sur ses oreilles de faune, ne tarda pas à plaisanter la nouvelle venue, — manière de faire connaissance.

— Ah ! ah ! lui disait-il, vous êtes donc venue seule ! Et votre amoureux ? c’est lui qui doit s’ennuyer

— Je n’en ai point, répondit Perlette rougissante.

— Oh ! pour ça, fit Bôte, je ne le crois pas : vous êtes trop bravonne !… Voyons, est-il blond ou brun ? grand ou petit ?

— Mais je n’en ai point, vous dis-je !

Et à part elle : — Que me veut-il, ce vieux bouc ?

— Allons, allons, travaille donc, grand bavard, dit le père Louis, et laisse cette fille tranquille, qu’elle ne te demande pas l’âge que tu as !

Bôte ainsi redressé, se mit à chantonner : En revenant des noces,