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pris cette coutume étant gamine, en gardant ses cochons, et elle l’avait conservée, quoiqu’on lui eût dit que ce n’était pas joli chez une jeune fille.

Ainsi, chantant et riant se passait le temps, et les sacqucttes se remplissaient et, avec les arbres, s’effeuillaient de douces heures.

Et en s’effeuillant, les arbres laissaient à nu les nids des fauvettes et des pinsons.

Les fauvettes s’en plaignaient par leurs continuels trrrrrr te te te trrrrr ! et les pinsons par leurs tsin tsin tsin alarmés.

— Pauvres pinsons, pauvres fauvettes, disait la gentille magnonneuse, allez, nous ne prendrons pas vos petits !

— Heureux moineaux, disait Métalli, heureux piverts ! heureux torcols ! heureuses mésanges ! — eux, au moins, nichent dans le creux des mûriers, tandis que ces pauvres bruants, ces pauvres chardonnerets sont à la merci des dénicheurs et de la défeuillaison !

Et les gentils magnonneurs laissèrent une touffe de feuilles pour protéger les domiciles d’amours, qu’involontairement ils avaient violés.

Quand la cueillette du jour fut faite, ils retournèrent vers la ferme, et, en s’en retournant, Métalli montra à Perlette, dans la chaîne bleue des montagnes du Matin, la large face du Roi gros-nez. Elle finit par la distinguer, mais elle ne put jamais découvrir le chien de ce géant.

Puis, arrivés, assis à l’ombre des lilas défleuris, ils goûtèrent d’un lait blanc, crémeux, frais tiré, mangeant à pleines cuillerées, dans la même jatte, les bonnes bouchées d’un pain de méteil ; se donnant la becquée l’un à l’autre, riant à s’étouffer, s’agaçant et à la fin s’entre-jetant des noyaux de cerises.

Et tout cela n’avait rien que d’innocent.

Cependant la douceur de la saison, les parfums, la vue des colombes cherchant à baiser leurs compagnes, les caresses du zéphir baisant les fleurs, n’éveillaient que trop souvent le désir chez Métalli. Toutefois, il ne s’y complaisait point trop.

Mais, lorsque dans les mûriers, la chaleur ayant obligé Perlette à quitter sa casaque, il la voyait en simple corsage, bras nus, la poitrine entr’ouverte, laissant apercevoir sur son sein sa petite Jeannette d’or, lui souriant de ses beaux yeux veloutés et doux, de sa bouche de corail et de perles, il se troublait, s’enivrait, ne chantait plus et rêvait de voluptés, sans en rien dire à Perlette.

Elle, toujours rieuse, le tirait alors de sa songerie en lui envoyant des poignées de mûres vertes. Il n’était pas long à les lui rendre et redevenait gai.

Mais, après ces pensers silencieux, s’il lui donnait un baiser, il pres-