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nous un jour, ayant fait un tout petit peu de bonne oeuvre, nous attribuer un rien de la juste fierté des frères de Goncourt !…

Comment le contraste ne s’imposerait-il pas entre ce livre, fruit d’une observation amère et profonde, Chérie, et cet autre livre, paru en même temps, Nerte, de Mistral ?

Ah ! l’heureux livre ! Et l’heureux auteur que ne hante point le souci des choses modernes, ce Mistral de Provence qui écrit des livres ensoleillés pleins du parfum des époques mortes et de l’or des soleils évanouis ! Faut-il conter Nerte ? Mettre en récit l’imprévu, la fantaisie, la grâce, le rhythme, tout ce qui charme, enchante dans le livre ? Non, n’est-ce pas ?

Il faut l’acheter, couper les feuillets qui sentent bon le neuf, et avec des défiances d’anti-provençal, d’homme du Nord (c’est permis), s’enfoncer dans la bonne lecture. Que vite on est pris, ravi ! D’instinct, la traduction si colorée ne suffisant pas, on se surprend à épeler le sonore texte provençal, avec des psalmodiements d’inexpérimenté. Car elle se livre, cette langue toute couleur, odeur et douceur, elle s’impose invinciblement.

Oui, c’est bien joli, Nerte, et d’une très subtile évocation du passé. En dire plus serait déflorer l’œuvre. On ne raconte pas ces choses, dont la couleur locale, grandie poétiquement, fait tout le prix. On n’en détache rien. Nerte est entière.

Y toucher serait aussi puéril que de vouloir retenir un de ces grands papillons tout pourpre, azur et or. Les pages du livre, comme des ailes, laisseraient aux doigts leur fuyante couleur.

Paul Violas.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Histoire de quatre inventeurs français, au xixe siècle, par le baron Ernouf (chez Hachette. — 1 vol. in-18 ; 1,25). L’auteur qui a publié déjà des Études fort intéressantes sur Papin, Niepce, Jacquard, Daguerre, fait aujourd’hui une juste renommée à Sauvage, qui eut le mérite d’appliquer l’hélice aux bateaux à vapeur, Heilmann, créateur du métier à broder, Thimonnier, inventeur de la machine à coudre, Henri Giffard, à qui l’on doit l’injecteur qui porte son nom et des essais d’appareil pour la direction des ballons.


Une singulière héroïne, de M. Edwardes, traduit par Nora. Roman anglais (Hachette, ,25). À lire pour qui aime, comme nous, la froide fantaisie, l’observation exacte, le pince sans rire et la variété des types, qui caractérisent le roman anglais et ont fait la gloire des Dickens et des Thackeray.


Caresses, récits, colères, d’E. Bidault (1 vol. 3,50), des vers, chez Vanier. Chez Vanier encore ; Plein-air, de Bengy-Puivallée (1 vol. 3 fr.), des vers, verts, ce qui est curieux, bons, ce qui vaut mieux. — Les deux copains, monologue dramatique de Georges Herbert, le directeur du Croquis, dans lequel notre ami de Sainte-Croix continue sa série : titre, Nos farceurs. Volumes et plaquettes sont admirablement éditées par Vanier.


Tristesses, de Georges Mallarmé, chez P. Schmidt. Premières poésies d’un très jeune. Ne manquent pas de talent, ont de la sincérité et du savoir faire.

P. V.