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Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/350

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Ni les âpres frissons de l’hiver boréal,
Ni la nuit, rien ne peut calmer son âme ardente.
En six jours il arrive au tombeau nuptial.

Au pied de l’échafaud, quand la meute grondante
Accompagna ses pas, il la nommait encor
De sa puissante voix vaillamment imprudente,

Et son souffle expira sur la syllabe cor !

Fabre des Essarts.


L’ARMURE

I

Ce couple était une ambulante antithèse.

D’une longueur infinie, anguleux, le parchemin du visage zigzagué d’inextricables rides, face glabre et jaunâtre, front soucieux, tel était M. de Lansalumey. Perpétuellement occupé à résoudre mille questions d’une érudition heidelbergeoise, son suprême bonheur était de se jeter à corps perdu dans les bras décharnés de la science. Au contraire, pour sa femme, le bonheur consistait à se jeter à corps non moins perdu dans les bras du sculpteur Maxence Gla, qui étaient musculeux comme ceux du Discobole et faisaient, en se contractant, saillir la protubérance d’un biceps invincible. Mme Magdeleine de Lansalumey était pétrie, non pas de rosés et de lys, mais de dynamite et de picrate de potasse. C’était une femme armée en guerre. Son visage était d’ailleurs le théâtre d’une lutte acharnée : au nord, il avait à se défendre contre l’envahissement d’une ardente chevelure ; vers le centre, une notable partie de son territoire était accaparée par des yeux troublants et passionnés ; et au sud, la bouche, comme une bonne petite anarchiste qu’elle était, allumait un sanglant incendie.

En ce temps-là, Maxence Gla et M. de Lansalumey étaient tous deux fort perplexes.