Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/617

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

m’avez donné, je vous promets de le garder encore, même après que les fleurs s’en seront fanées.

Miette sans savoir pourquoi, rougit, ne sachant que répondre.

Jacques, lui, examinait le nouveau venu, et dans ses yeux noirs passa comme un éclair de colère jalouse quand il vit la main de Georges effleurer la main de la jeune fille.

Patron Francet avait fini d’amarrer la petite barque. Mettant ses deux rames sur l’épaule, « Allons, dit-il, en route ! Toi, Jacques, le bras à Miette. »

Jacques s’avança, la jeune fille glissa son bras sous le sien. Georges, malgré lui, eut comme un mouvement de dépit.

— Pour moi, fit-il, je m’en vais vous dire adieu.

— Vous n’allez donc pas de notre côté, dit Patron Francet en se retournant vers lui ?

— Non, je m’en vais prendre par le vieux pont et rentrer à Arles ; merci, ajouta-t-il, et adieu !

— Non pas adieu, s’écria Patron Francet, en éclatant de rire. Adieu est un gros vilain mot du diable qui porte malheur. Arles n’est pas si grand. Nous nous retrouverons.

— Quand vous voudrez, répondit Georges. Au revoir et merci..

— À votre service.

Georges salua de la tête Miette et Jacques, tendit la main à Patron Francet. « Au revoir, » lui cria encore une fois ce dernier. Puis, tous trois, ils s’éloignèrent.

Georges au bout de quelques pas se retourna. Le groupe disparaissait dans l’ombre, là-bas sur la droite. « Bah ! murmura-t-il, Misé Rose me dira qui elle est. »

— Eh ! bien, Monsieur Georges, vous êtes-vous bien amusé hier, à Barriol, s’écria Misé Rose, en ouvrant la porte de l’immense salle, aux vastes fenêtres, où le jeune homme, installé, dès son lever, devant son chevalet, esquissait, à grands traits, sur la toile une tête d’Arlésienne.

Georges se retourna vers elle, tout surpris.

Misé Rose, son cabas à la main s’était approchée et le regardait en souriant.

— Oui ! faites le discret, continua-t-elle en se débarrassant de son châle à grands carreaux qu’elle alla avec la plus grande précaution accrocher au coin d’un vieux bahut, faites le discret !

— Comment, déjà, vous savez, s’écria Georges en éclatant de rire.

— Oh ! par le plus grand des hasards, répondit Misé Rose. C’est en venant ici, une amie à moi que j’ai rencontrée, qui m’a dit vous avoir vu aller du côté de Barriol. J’ai soutenu que ce n’était pas possible. Mais elle m’a affirmé la chose d’une manière si précise que, ma foi, quel qu’ait été mon étonnement j’ai fini par le croire !