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Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/620

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souvenir venait se mêler à la lettre et à son aventure du samedi soir.

« — Bah ! dit-il ! qui vivra, verra. Travaillons ! »

Il retourna à son esquisse ; mais son crayon ne marchait plus ; sa pensée s’en allait sous les arbres de Barriol après la fillette brune dont les doux yeux surpris repassaient sans cesse devant ses yeux.

Impatienté, il posa son crayon sur sa tablette.

— Ah ! fit-il tout à coup, à propos, Misé Rose, avez-vous pensé à ce que je vous avais demandé ?

— À quoi ?

— À la jeune fille qui voudrait bien venir quelquefois poser dans mon atelier !

— Ah ! c’est difficile, murmura Misé Rose en hochant la tête. Une jeune fille ; chez un jeune homme. On est bavard en Arles ! »

Ainsi vous n’avez rien trouvé, demanda Georges.

— Si, répondit Misé Rose en s’approchant. Ce soir, à huit heures, si vous voulez, ajouta-t-elle avec un air de mystère, je viendrai vous prendre et vous conduirai.

— Où donc ?

— Au café de l’Ouletto, et Misé Rose, mettant un doigt sur sa bouche, sortit de l’atelier.

VI

Le soir, à huit heures, fidèle au rendez-vous, Misé Rose était là.

— Êtes-vous prêt, demanda-t-elle à Georges, qui, renversé dans un grand vieux fauteuil de damas jaune, rêvait, la cigarette aux lèvres et les yeux demi-clos ?

— Mais tout à fait prêt, Misé Rose, et Georges, se levant, s’en vint décrocher du porte-manteau un grand caban bleu sombre, à vaste capuchon.

— Eh bien ! demanda-t-il, lorsqu’il eut endossé le vieux vêtement, suis-je assez en tenue ! — N’est-ce pas là le vêtement des soirs de carnaval ? suis-je assez mystère ? ajouta-t-il en riant, et coiffant sa tête d’une petite casquette de soie noire, qu’il rabattit par dessus le grand capuchon.

— Bravo ! parfait, s’écria Misé Rose, les yeux brillants, se retrouvant par la pensée peut-être, dans quelque gaillarde et mystérieuse aventure d’autrefois. En route ! »

Et, à son tour, elle rabattit la capuche noire de sa mantille, dont la large dentelle cachant le visage, masque, en ces temps de folie, les yeux bleus et les yeux noirs qui veulent rester inconnus.

Ce n’était plus précisément le cas de Misé Rose, avril passé, bonsoir violettes, on regarde, on ne cueille plus. Mais regarder suffisait encore amplement à son bonheur. Elle se roulait dans une intrigue avec des