Page:La libre revue littéraire et artistique, 1883.djvu/69

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cédant aux obsessions du démon partout ici embusqué derrière les seuils et qui par l’image de l’universelle mort rend les tentations de la chair plus délectables, vous suivez un de ces frisques et ténébreux manteaux à travers le labyrinthe des venelles, étroites comme des coupe-gorge, et que les clartés des rares réverbères grinçant sur leurs tringles éclaboussent comme d’une pourpre de sang, cette silhouette du bonheur, masquée d’inconnu et plus imprévue qu’un domino à l’Opéra, ne manquera pas de vous conduire dans quelque chambre décorée d’une couchette aux rideaux très blancs où, muette, sans avoir dit une parole, une sœur des filles du divin Memling vous apparaîtra dans sa nudité rose, sous les plis de la mante qui ne tombe jamais complètement et seulement se relève jusqu’à la hauteur du désir et de l’amour, comme si, perverses et candides, elles avaient le secret d’irriter par des réticences le feu couvant aux moelles de l’amant qu’elles ne reverront plus.

Camille LEMONNIER.

LA LIBERTÉ DE CRITIQUE
ET LA LIBRE REVUE

Dieu, dit l’Ecclésiaste, a livré les choses d’ici-bas aux discussions des hommes. Tout subit cette loi, même les revues littéraires et artistiques. Dès son premier numéro la Libre Revue en a fait l’expérience.

D’abord, ce titre, Libre Revue, qui flamboie, rouge, sur fond jaune, a soudain frappé de panique les notables commerçants de la rue du Petit-Carreau.

D’autre part, les plus forts imposés de Brives-la-Gaillarde ont reconnu, dans la déesse en train de rédiger un premier-Paris sur notre couverture, une jeune République des plus avancées, puisqu’elle a jeté son bonnet phrygien par-dessus les moulins.

Enfin, le cercle des avoués de Confolens a bondi comme un seul