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CHRONIQUE DRAMATIQUE

Théâtre de Belleville. — La Nuit de Noël, drame populaire en cinq actes et sept tableaux, par MM. Ed. Doyen et Victor Bours. — Gymnase. — Autour du Mariage, comédie en cinq actes de MM. Gyp et Hector Crémieux. — Bouffes-Parisiens. — Madame Boniface, musique de Lacôme. — Nouveautés. — Le Roi de carreau.

Vox populi, vox Dei. Si ce proverbe est juste, MM. Doyen et Victor Bours doivent être heureux, car la voix du peuple s’est fait entendre, et nos bons Bellevillois ont acclamé comme ils le méritaient les auteurs de la Nuit de Noël. Chose curieuse à noter, ce drame a été écouté au milieu d’un silence religieux, et c’est avec la plus grande justesse que d’unanimes applaudissements sont venus souligner les bons endroits. J’ai assisté à cette représentation avec un réel plaisir. Maintenant que le drame, le bon vieux drame est banni (bien injustement, hélas !) de presque toutes nos grandes scènes parisiennes, on est tout heureux de trouver des auteurs courageux qui ne craignent pas de continuer les vieilles traditions, inaugurées jadis par Anicet-Bourgeois, Michel Masson et d’Ennery, première manière, et qui le font avec talent. Ils ont raison de réagir contre le préjugé, et le succès de la Nuit de Noël auprès d’un public dont une fausse éducation n’a pas égaré le bon sens en est une preuve certaine.

Deux innocents ont été accusés d’un assassinat suivi de vol et condamnés pour ce fait à quinze ans de travaux forcés. Ils parviennent enfin à s’évader et démasquent les vrais coupables, devenus depuis millionnaires.

Sur cette donnée simple, quoique dramatique, MM. Doyen et Victor Bours ont greffé des scènes tantôt touchantes et attendries, tantôt amusantes et gaies, et l’excellente petite troupe a rivalisé de brio et d’entrain dans l’interprétation. On a surtout remarqué et applaudi M. Louis dans le rôle du jovial Zéphyrin, et — avec ses : Oh ! pour sûr ! — Toma-Prosper a fait la joie des titis bellevillois.

En somme, on a ri, et, entre deux lampées de vin, les spectateurs y sont allés de leur petite larme. Ne croyez-vous pas comme moi que ce succès-là en vaut bien un autre ?

Je n’en dirai malheureusement pas autant de la pièce du Gymnase. Madame de Martel, qui se cache sous le pseudonyme de Gyp, est une femme de beaucoup d’esprit, mais elle a le tort grave de croire que des chroniques légères peuvent servir de thème à une comédie de mœurs. Il faut pour une pièce de ce genre une intrigue autrement corsée que celle que peut fournir l’aventure d’une Paulette ; il faut