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Humbles adorateurs des Muses souveraines,
Ces enfants de la terre ignoraient d’autre loi,
Mais ils pouvaient gaiment braver toutes les chaînes,
Chacun gardant sa langue et lui donnant sa foi !

Vénus alors sembla sourire dans son Louvre,
Car ces jeunes chansons avaient su réunir,
Sous l’habit éclatant du verbe qui les couvre,
À l’idéal passé l’idéal à venir.

Et, dès le premier jour, ô fils de la Provence,
Vous étiez Grecs comme elle et Latins comme nous,
Puisque l’Art nourricier, puisque la mère France
Sont les deux grands amours qui courbent vos genoux !

Paul MARIÉTON.

TOUTES TROIS MORTES !
(Suite et fin)

XIV

Avec le temps j’avais trouvé cependant un peu de tranquillité d’esprit ; Luccienne me laissait une certaine liberté. Chaque jour, avant le lever de l’aurore, je m’échappais de l’hôtel pour faire une longue excursion. J’étais vêtu d’habits bien humbles ; j’aimais alors à me mêler à cette foule qui circule à l’heure matinale dans les rues de Paris, se rendant joyeuse au labeur quotidien.

Presque chaque jour, à la même heure, je rencontrais près du Pont-Neuf une jeune fille qui m’inspira bientôt de l’intérêt comme si je l’eusse connue : elle pouvait avoir vingt ans, elle avait une gentille tête blonde, un visage toujours souriant, et les jolis yeux espiègles de la gamine de Paris ; sa taille était frêle comme un roseau ; ses épaules, légèrement penchées en avant, attestaient que la pauvre enfant passait de longues heures courbée par le travail. En l’observant de loin je découvris qu’elle était occupée chez elle, par un magasin de