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REVUE MUSICALE

Les reprises et les débuts ont été si nombreux ces derniers temps que, pour vous parler de tout, je serai contraint de m’en tenir à une simple énumération.

À l’Opéra, mademoiselle Isaac a débuté dans Hamlet et dans Faust, Quand cette artiste a quitté la salle Favart pour l’Opéra, j’ai vu ce changement avec regret et appréhension. C’était, à mon avis, et je l’ai écrit ailleurs, un malheur pour elle et pour le public. Je pense encore de même aujourd’hui, bien que la nouvelle Ophélie ait dépassé de beaucoup l’attente générale et la mienne.

Autre début : M. Escalaïs dans Guillaume Tell. Quoi qu’on en ait dit et malgré de très brillantes qualités, ce n’est point encore là une voix de ténor proprement dite et parfaitement classée.

À l’Opéra-Comique, beaucoup de choses attrayantes : Lakmé, avec mademoiselle Van-Zandt ; Mignon, avec mademoiselle Névada ; le Pardon de Ploërmel, avec mademoiselle Merguiller, madame Engally et M. Carroul.

J’arrive à la rentrée provisoire de madame Galli-Marié et à la reprise de Carmen ; je dis provisoire, parce qu’en vertu d’un traité elle appartiendra au bout d’un mois à un imprésario de Milan. Madame Galli-Marié est restée ce qu’elle était : une admirable et inimitable actrice, tirant d’une voix ordinaire des ressources merveilleuses. À côté d’elle un nouveau ténor (Don José) dont le nom m’échappe, un peu froid, un peu compassé, avec de la voix et du talent, et madame Bilbault-Vauchelet, qui mérite plus, sinon mieux, que le rôle de Micaëla.

Je n’ai pas entendu Roland à Roncevaux à l’Opéra en 1866 ; beaucoup de gens sont dans le même cas ; aussi la reprise au Château-d’Eau offre-t-elle le même attrait que l’audition d’une œuvre nouvelle. La qualité qui frappe, dès l’abord, dans la musique, c’est le caractère de noblesse et parfois de grandeur que Mermet a su lui imprimer. La partie fondamentale de l’ouverture est une variation avec développement de la phrase caractéristique du deuxième acte : « Roncevaux, vallon triste et sombre », combinée avec « la Chanson de Roland ». Le chœur du commencement, bien traité, est suivi de la « Chanson de Roland », qui a, fort naturellement, le rythme du pas redoublé. Je n’aime pas la romance de Saïda, j’aime encore moins l’air d’Alde. En revanche, le duo d’Alde et de Roland a grande allure, Le finale est aussi d’un effet dramatique ; la mélodie « Superbes Pyrénées » forme une péroraison sonore et brillante.