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Page:La question du Congo devant l'Institut de droit international, par Gustave Moynier.djvu/17

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choses. Or, le nombre et l’emplacement des stations sont essentiellement variables ; sans cesse il s’en crée de nouvelles, et l’abandon graduel des anciennes n’aurait rien de surprenant. Passe encore si leurs détenteurs pouvaient invoquer des droits de souveraineté, à eux cédés par des chefs indigènes. De Brazza dit bien que, le long de la route tracée par Stanley, « les terrains propres à être utilisés sont la propriété du Comité d’études du Congo ; » il ajoute « qu’il est défendu de s’y établir sans demander à Stanley une autorisation spéciale et reconnaître ainsi, au Comité d’études, ou la souveraineté ou la propriété exclusive du sol[1]. » Mais, d’autre part, le Comité d’études, représenté par « un de ses coopérateurs, » avoue que, loin d’avoir la libre disposition du sol qu’il occupe, il n’en est pas même propriétaire, puisqu’il n’en a pris possession qu’en vertu d’un « bail perpétuel, moyennant une rente mensuelle[2], » et il suffirait, semble-t-il, qu’il cessât d’en payer « le loyer, » comme dit Stanley lui-même[3], pour que son droit s’éteignît. Si donc, par une déclaration générale, on lui accordait un privilège, on ne pourrait apprécier suffisamment la portée de cette concession.

Les établissements neutralisés pourraient aussi se modifier et changer de nature. Exclusivement scientifiques et hospitaliers, et sans nationalité à l’origine, ils deviendront forcément le noyau de centres commerciaux. D’autre part, ils cesseront peut-être de relever d’une association libre, pour passer aux mains de quelque État régulièrement constitué. Tel a été déjà le cas pour Brazzaville, où le drapeau français a été substitué à celui de l’Association internationale africaine. On doit s’attendre également à voir surgir des stations officielles portugaises d’un caractère mixte, c’est-à-dire à la fois « hospitalières, scientifiques et commerciales, » car un arrêté royal du 18 août 1881 en a prescrit la fondation[4]. Je veux bien admettre que ni la France, ni le Portugal ne se proposent d’en changer le caractère, mais il est probable que, tôt ou tard, ils seront conduits, par la force des choses, à les transformer en lieux de garnisons, ou à leur donner quelque autre destination qui les dénaturera.

  1. Revue maritime et coloniale, août 1883, p. 413.
  2. L’Association internationale africaine et le Comité d’études du Haut-Congo, par un de leurs coopérateurs, p. 21 .
  3. Discours de Stanley à Paris (Voy. Deloume : Le droit des gens dans l’Afrique équatoriale, p. 51).
  4. Deloume, p. 20.