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Page:La question du Congo devant l'Institut de droit international, par Gustave Moynier.djvu/16

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Je m’associe pleinement aux vues humanitaires qui ont inspiré à notre éminent confrère la motion dont je parle, mais il ne me semble pas que les stations qui en sont l’objet puissent être mises au bénéfice de la faveur qu’il sollicite. Je ne les trouve ni assez bien définies, ni assez stables, pour qu’un traité international leur confère des droits qui auraient nécessairement pour corrélatifs des devoirs.

Il va de soi que ces organismes n’étant pas des États, seules personnes juridiques entre lesquelles les traités internationaux fassent loi, leurs représentants ne sauraient en aucun cas être admis comme parties contractantes dans un acte de ce genre. Mais se présentent-ils du moins comme des compagnies fortement organisées, et disposant de moyens suffisants pour faire, par exemple, respecter au besoin la neutralité qu’on leur reconnaîtrait ? Pour ne parler que du « Comité d’études du Haut-Congo, » le plus en vue de tous, sait-on seulement quel est au juste son programme d’action, comment il fonctionne, quelles garanties il offre pour l’avenir ? Tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’une personnalité auguste, faite pour inspirer la plus grande confiance, en est l’inspiratrice, mais pour le reste il s’enveloppe de mystère. Ce comité ne doit pas être confondu avec « l’Association internationale africaine » quoique S. M. le roi des Belges ait été le promoteur de tous deux, et se soit acquis par là un double titre à la gratitude des amis de l’humanité. Sur le Congo, c’est le « Comité d’études » seul qui est en cause. On a comparé l’œuvre de ce comité à celle de la Croix-Rouge comme si ce rapprochement devait fournir un argument en faveur de la neutralisation des stations, mais je vois là, tout au contraire, un précédent en sens inverse. Malgré leurs instances, les sociétés de la Croix-Rouge[1] n’ont pas trouvé grâce devant la conférence de Genève, qui s’est refusée à les mentionner dans la convention du 22 août 1864, et, à l’heure qu’il est encore, leurs membres, leurs agents, leurs ambulances, ne sont pas considérés ipso facto comme neutres en temps de guerre. On voit que la diplomatie est circonspecte quand il s’agit de créer une situation exceptionnelle. Elle veut savoir non seulement si ceux qu’elle en gratifie en sont dignes, mais encore s’ils sont capables de s’acquitter des obligations qui découlent pour eux des privilèges qu’elle leur octroie. Dans le doute, elle s’abstient sagement.

Puis, indépendamment des personnes, il faut se rendre compte des

  1. Revue de droit international, t. XV, p. 257.