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Page:La rebellion de 1837 à Saint-Eustache.djvu/12

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voulait faire de ce continent une nouvelle France, se vit tout-à-coup privé du fruit de tous ses sacrifices. Oublié, tout meurtri, après avoir versé le sang généreux de ses preux sans peur comme sans reproche, et après avoir fécondé le sol canadien de son sang comme de ses labeurs, il lui fallut contre son gré passer sous la domination Britannique. Quand on a été un peuple libre, quand on a vécu sous la douce égide de ses propres lois, de sa langue, de sa religion, et que tout-à-coup le sort des armes vous fait passer sous une domination étrangère, la transition est terrible. Oui, quand après avoir été une nation libre, il faut se soumettre aux exigences, aux lois et aux caprices d’un conquérant altier dont les traditions, la langue et la religion nous sont hostiles, l’on doit s’attendre à bien des maux, à bien des humiliations ! Oui, voilà la pénible destinée qui échoit aux vaincus !

Si le Canada eût alors fait partie de l’Europe, s’il n’en eût pas été séparé par l’Océan, et s’il se fût trouvé à proximité de l’Angleterre, son nouveau souverain l’aurait sans doute traité avec des égards et aurait eu la grandeur d’âme de ne pas laisser blesser l’honneur national des Canadiens-Français, en tentant de les réduire à l’état de servage. Mais les Canadiens avaient combattu comme des lions pour ne pas tomber sous la domination anglaise, et ceux qui furent envoyés et choisis dans la colonie pour commander et exercer l’autorité souveraine, abusant du pouvoir, leur tinrent rancune de leur attachement à la France et ils essayèrent de le leur faire sentir en les traitant avec arrogance et quelquefois avec la plus grande injustice.