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Page:La revue philosophique et religieuse, tome 6, 1856.djvu/13

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M. PROUDHON ET LA QUESTION DES FEMMES.

» J’ai fait de la critique économique et sociale ; en faisant cette critique (je prends le mot dans sa signification élevée) ; j’ai pu émettre bien des jugements d’une vérité plus ou moins relative, je n’ai nulle part, que je sache, formulé un dogmatisme, une théorie, un ensemble de principes, en un mot un système. Tout ce que je puis vous dire, c’est d’abord, en ce qui me concerne, que mes opinions se sont formées progressivement et dans une direction constante ; qu’à l’heure où je vous écris, je n’ai pas dévié de cette direction ; et que, sous cette réserve, mes opinions actuelles sont parfaitement d’accord avec ce qu’elles étaient il y a 17 ans, lorsque je publiai mon premier mémoire.

» En second lieu, et par rapport à vous, Madame, qui en m’interrogeant ne me laissez pas ignorer vos sentiments, je vous dirai, avec toute la franchise que votre lettre exige, et que vous attendez d’un compatriote, que je n’envisage pas la question du mariage, de la femme et de la famille comme vous, ni comme aucun des écrivains novateurs dont les idées sont venues à ma connaissance ; que je m’admets pas, par exemple, que la femme ait le droit, aujourd’hui, de séparer sa cause de celle de l’homme, et de réclamer pour elle-même une justice spéciale, comme si son premier ennemi et tyran était l’homme ; que je n’admets pas davantage, que, quelque réparation qui soit due à la femme, de compte à tiers avec son mari (ou père) et ses enfants, la justice la plus rigoureuse puisse jamais faire d’elle l’égale de l’homme ; que je n’admets pas non plus que cette infériorité du sexe féminin constitue pour lui ni servage ni humiliation, ni amoindrissement dans la dignité, la liberté et le bonheur : je soutiens que c’est le contraire qui est la vérité.

» Je considère donc l’espèce de croisade que font en ce moment quelques estimables dames de l’un et l’autre hémisphère, en faveur des prérogatives de leur sexe, comme un symptôme de la rénovation générale qui s’opère, mais comme un symptôme exagéré, un affolement qui tient précisément à l’infirmité du sexe, et à son incapacité de se connaître et de se régir lui-même.

» J’ai lu, Madame, quelques-uns de vos articles. J’ai trouvé que votre esprit, votre caractère, vos connaissances vous