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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1397

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INTRODUCTION AU LIVRE DE L’ECCLÉSIASTE.


fut définitivement fixé du temps d’Ézéchias par les savants dont parlent les Proverbes, xxv, 1.

La canonicité et par conséquent l’inspiration de l’Ecclésiaste est de foi. Théodore de Mopsuesle, qui en contestait l’inspiration, fut condamné à ce sujet par le ve concile œcuménique. Les Juifs l’avaient placé dans leur canon. On parle de discussions qui auraient eu lieu à ce sujet dans la synagogue, entre l’école de Hillel et l’école de Schammaï. Celle-ci, qui avait des tendances hétérodoxes, l’attaquait surtout à cause de son obscurité. Le synode de Jabné (Jamnia) se prononça en 90 contre l’école de Schammaï. Mais il était déjà à cette époque dans le canon reçu par les Juifs. On le lit encore officiellement tous les ans dans les synagogues Israélites. Il a toujours fait partie du canon de toutes les Églises chrétiennes.

Quand à la forme littéraire de l’Ecclésiaste, elle est poétique, au moins en partie, et on le range généralement parmi les poèmes didactiques. Cependant la plupart des passages sont écrits en prose, et l’on n’y remarque point la symétrie du parallélisme hébreu. Dans quelques endroits, la forme poétique est très sensible. Le parallélisme est très bien réussi, v, 5 ; viii, 8 ; ix, 11. Nous lisons, vii, 7, 9 ; ix, 8, des maximes qui ressemblent, pour la forme comme pour le fond, à celles des Proverbes. Quand Salomon parle de son expérience personnelle et communique à l’assemblée à laquelle il s’adresse ses propres réflexions, il s’exprime en prose, mais en une prose oratoire, jusqu’à un certain point mesurée et cadencée ; quand il fait des exhortations, son style devient tout à fait poétique et conforme à toutes les lois de la poésie hébraïque, surtout à la fin du livre, dans le ch. xii

Il y a, d’ailleurs, de l’art dans l’Ecclésiaste, malgré quelques négligences et un peu de diffusion. Les répétitions et pléonasmes, viii, 14 ; ix, 9, sont certainement voulus et cherchés, et ils produisent leur effet. « L’Ecclésiaste se manifeste comme un maître de la parole quand, i, 4-11, et xii, 2-7, il représente, là, l’éternel va-et-vient du cours des choses, et quand il peint, ici, la vie humaine qui touche à son terme et enfin se brise » (F. Delitzsch.)

L’absence d’uniformité dans la forme et dans la marche de la pensée, l’absence même d’un enchaînement rigoureux dans les idées, ne sert qu’à mieux faire ressortir la vérité qu’il veut faire pénétrer dans l’esprit de l’homme : le néant de la vie en dehors de Dieu. Il a tout essayé, rien n’a pu le satisfaire ; il passe d’un sujet à un autre, parce que rien n’est capable de le fixer et de le retenir. Son style est en parfait accord avec sa manière de voir les choses. Il tient ferme à la crainte de Dieu et au jugement final, mais il n’en sent pas moins douloureusement le dégoût de la vie et ses déceptions amères, et il exprime ses sentiments d’une manière si saisissante qu’il nous les fait partager. Avec quelle force éclate sa douleur dans la première partie de son livre : Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes, vanitas vanitatum et omnia vanitas ! On ne saurait imaginer une entrée en matière plus brusque ni plus énergique. Salomon a longtemps contenu au fond de son cœur le chagrin qui le ronge, mais enfin il éclate soudainement, il répète sa pensée, et ses pléonasmes mêmes sont éloquents. C’est un coup de tonnerre qui retentit, et que l’écho répercute sourdement et longuement comme pour le rendre plus terrible. Jamais écrivain n’a trouvé une formule plus concise et plus forte pour exprimer sa pensée. Qui a pu jamais oublier le vanitas vanitatum, après l’avoir une fois entendu ?