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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1432

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LA SAGESSE.


critiques modernes, suivant en cela S. Jérôme. C’est de tous les écrits que contient la Bible grecque celui dont le langage est le plus pur et le plus remarquable au point de vue littéraire. Comme il est l’œuvre d’un Israélite, on y rencontre quelques hébraïsmes et le parallélisme de la poésie des Livres Saints, mais on y reconnaît en même temps un écrivain versé dans la langue grecque : il fait un usage fréquent des mots composés et des adjectifs, qui sont si rares dans les œuvres des autres Juifs hellénistes ; il se sert d’expressions qui n’ont point de termes correspondants en hébreu ; il emprunte certaines locutions à la philosophie platonicienne et stoïcienne. Ce sont là tout autant de traits qui montrent que le texte grec est le texte original.

Le style n’est pas toujours égal : très élevé et sublime dans quelques parties, comme dans le portrait de l’épicurien, ii ; dans le tableau du jugement dernier, v, 13-24 ; dans la description de la sagesse, vii, 26-viii, 1 ; etc.; incisif et mordant dans la peinture des idoles, xiii, 11-19 ; il est diffus et surchargé d’épithètes, contrairement au génie des Hébreux, dans d’autres passages, vii, 22-23.

* 5. Dans les Bibles grecques, ce livre porte le titre de « Sagesse de Salomon. » Le nom de ce roi ne se lit pas dans la Vulgate, et avec raison, car ce livre est l’œuvre d’un inconnu, non du fils de David. Il a été attribué à Salomon, parce que celui qui l’a composé, usant de fiction, s’exprime comme s’il était le fils de David, vii-ix. De là l’inscription qu’on lit en tête des Septante et l’erreur d’un certain nombre de Pères qui ont pris ce langage au pied de la lettre, mais S. Jérôme et S. Augustin ont observé avec raison qu’il n’avait pas été écrit par l’auteur des Proverbes et qu’il était bien moins ancien. C’est ce que prouvent : 1o la langue originale, qui est le grec alexandrin ; 2o les connaissances de l’écrivain, qui a vécu hors de la Palestine et fait des allusions aux sectes grecques ainsi qu’aux mœurs et aux habitudes helléniques ; 3o les citations des Septante qu’on y rencontre ; 4o les allusions historiques à une époque autre que celle de Salomon, comme le portrait des épicuriens, ii, l-6, 8 ; la peinture des arts, xv, 4, etc.

Du temps de S. Jérôme, plusieurs attribuaient le livre de la Sagesse à Philon, mais c’est à tort, car la doctrine du livre inspiré est sur plusieurs points en contradiction formelle avec les opinions contenues dans les écrits certains du philosophe juif. Quelques critiques ont attribué notre livre à Zorobabel, qu’ils regardaient comme le second Salomon, et ont voulu expliquer ainsi pourquoi les Septante lui ont donné le titre de Sagesse de Salomon ; mais leur sentiment est insoutenable, parce que Zorobabel n’a pu écrire en grec. Les savants modernes reconnaissent universellement que toutes les tentatives pour découvrir l’auteur inconnu de la Sagesse ont été infructueuses.

* 6. Cependant, si l’on ignore le nom de l’auteur, on peut du moins savoir en quel lieu il a écrit. C’est en Egypte, et très probablement à Alexandrie ; de là ses allusions à la religion égyptienne, xii, 24 ; xv, 18-19, etc. ; ses connaissances en philosophie grecque, etc. ; il était très certainement Juif et écrivait pour les Juifs, car son œuvre est remplie d’allusions bibliques qui ne pouvaient être comprises que par les enfants d’Abraham : il parle de Noé, x, 4, de Lot, x, 6, etc., sans les nommer ; il loue sa nation et connaît la loi mosaïque comme pouvait le faire seulement un Juif, iii, 8 ; xii, 7, etc.

* 7. On ne saurait dire avec la même certitude à quelle époque a vécu l’auteur de la Sagesse. Les opinions sont très partagées à ce sujet. Ce qu’il est per-