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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1726

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JÉRÉMIE.


d’après la tradition, au nord de Jérusalem, dans la grotte qu’on appelle aujourd’hui la grotte de Jérémie. Aucune langue ne possède d’élégie comparable à celle de ce prophète, qui avait tant aimé la ville et la maison de son Dieu, sans pouvoir les sauver. Jamais poète n’a su accumuler comme lui les images de la désolation et rendre la douleur plus sympathique.

Godolias, fils d’Abicam, protecteur de Jérémie, avait été institué, par Nabuchodonosor, gouverneur de la Judée, après la ruine de Jérusalem. Les malheureux restes de Juda eurent alors quelques moments de répit, xl, 9-12 ; mais l’assassinat de Godolias par Ismaël et ses complices attira de nouveaux malheurs sur la Palestine. On ne sait comment Jérémie échappa aux conjurés, qui devaient lui en vouloir autant qu’à Godolias. Il est probable qu’il fut du nombre des prisonniers qu’Ismaël envoyait aux Ammonites, xli, et qu’il fut délivré par l’arrivée de Johanan. — Le peuple craignit que le meurtre du gouverneur ne fût puni sur toute la nation. On consulta Jérémie sur ce qu’il y avait à faire. Il conseilla de rester en paix en Judée, xlii, mais il ne fut pas écouté. La foule était décidée à s’enfuir en Egypte ; comme autrefois, elle accusa Jérémie et Baruch de trahison, xliii, 3, et elle les emmena tous les deux de vive force dans la vallée du Nil. Il est facile d’imaginer combien l’exil en Egypte, ce pays dans lequel Jérémie avait toujours vu la source fatale de la ruine de sa patrie, dut lui être odieux. C’est là, à Taphnès (Daphné), près de Péluse, dans la Basse-Egypte, que cette lampe qui ne tardera pas à s’éteindre jette ses dernières lueurs. Ses paroles sont plus énergiques que jamais, il rappelle tout ce que Dieu lui a dit sur les Chaldéens, qu’il nomme serviteurs de Dieu, xliii, 10 ; Nabuchodonosor élèvera son trône dans le lieu même où il leur parle, dans cette ville où ils sont allés chercher un refuge, ce qui s’accomplit en effet la 32e année du règne de Nabuchodonosor. Il reprend avec véhémence les Juifs qui s’abandonnent à l’idolâtrie, xliv. — Après ce dernier acte de vigueur prophétique, tout est incertain. Selon une tradition chrétienne assez bien établie, il mourut martyr, lapidé à Taphnès par les Juifs irrités de ses remontrances. Ainsi vécut et mourut le prophète d’Israël « dont les douleurs n’ont été comparables à aucune douleur, » Lam., i, 12; « l’homme qui a vu les afflictions, » iii, 1.

Sa vie tout entière fut une prophétie vivante des souffrances et de la passion de Notre-Seigneur, et de là vient que l’Église a appliqué au Sauveur un grand nombre des paroles du prophète qui se rapportent directement à lui-même. Mais Jérémie n’a pas été seulement la figure de Jésus-Christ, il a aussi prophétisé explicitement sa venue. Au déclin de la nationalité juive, à la veille du grand cataclysme qui semblait devoir l’anéantir à jamais. Dieu lui a fait voir l’aurore déjà blanchissante d’une alliance nouvelle, à laquelle, le premier des prophètes de l’Ancien Testament, il a donné son véritable nom, « nouvelle alliance », lxxi, 31, ou, comme nous le lisons dans S. Paul, qui reproduit cet oracle, « Nouveau Testament », Héb., viii, 8. Bien mieux, Jérémie ne s’est pas contenté de nommer le Nouveau Testament, il en a décrit les caractères. Dieu a révélé à cette âme tendre et si sensible les traits distinctifs de la loi de grâce : le peuple de Dieu, pour être sauvé, doit recevoir une loi nouvelle ; désormais les relations entre le peuple et le Dieu d’Israël, entre Dieu et l’humanité, ne reposent plus seulement sur une loi extérieure, mais sur la soumission intérieure du cœur à Dieu, xxxi, 33.

Autant Jérémie fut impopulaire pendant sa vie, autant il devint populaire