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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1725

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1693
INTRODUCTION.


Quelques années après, Joakim s’étant révolté contre Nabuchodonosor, celui-ci vint mettre de nouveau le siège devant la capitale de la Judée. Joakim mourut probablement au commencement des opérations, et ainsi furent réalisées les prophéties faites contre lui, Jér., xxii, 19 ; xxxvi, 30 (598).

Le fils de Joakim, Jéchonias, n’eut qu’un règne de trois mois. Jérémie lui annonça, xxii, 24-30, les malheurs qui lui étaient réservés. Bientôt après l’oracle s’accomplissait : le roi de Juda était emmené captif en Chaldée avec les principaux de la nation, parmi lesquels se trouvait le prophète Ézéchiel, IV Rois, xxiv, 18-16 ; Èzéch., i, 2. Jérémie fut laissé à Jérusalem (598).

Sédécias, oncle de Jéchonias, fut mis sur le trône par Nabuchodonosor. Il respectait Jérémie et le consulta même quelquefois, xxxvii, 3 ; mais dans cette période de trouble, son pouvoir était mal assis ; il avait un caractère hésitant et ne sut pas toujours protéger efficacement le prophète. C’était la lie du peuple qui était demeurée en Palestine : Jérémie annonça qu’elle serait châtiée à son tour, xxiv. La prospérité renaissante de l’Egypte sous Apriès ou Hophra avait fait naître de nouvelles illusions à Jérusalem et inspiré à Sédécias lui-même des velléités de révolte. Jérémie les combattit, par ordre de Dieu, mais en vain, xxvii-xxviii ; bientôt l’approche d’une armée égyptienne et le départ des Chaldéens, qui en fut la conséquence, rendirent sa situation plus périlleuse que jamais. En prévision des persécutions qui le menaçaient, il résolut d’aller se cacher à Anathoth ; mais son projet fut découvert, on l’accusa de trahison et on l’emprisonna, xxxvii. Il avait cherché, dans la bonté de son cœur, à consoler les captifs de Babylone, xxix ; voilà que de Babylone même, les faux prophètes le poursuivent de leur haine et pressent les prêtres de Jérusalem d’employer les moyens violents contre sa personne ; ces derniers n’étaient que trop disposés à suivre ces conseils. Non contents de l’avoir mis en prison, irrités par les prophéties qu’il continuait à faire, ils voulurent en finir avec lui et le jetèrent au fond du puits de Melchias ; il y serait mort, sans l’intervention d’Abdémélek, eunuque éthiopien, qui le sauva avec la connivence du roi, xxxviii. Il resta cependant prisonnier. Sédécias le consulta en secret ; Jérémie lui annonça qu’il n’échapperait pas aux Chaldéens, xxxviii, 18. Ces derniers revinrent en effet au bout de peu de temps, et leur retour produisit la plus profonde consternation, xxxii, 2. La victime de la fureur populaire chercha à relever les courages abattus, par un acte propre à montrer la confiance qu’il avait dans l’avenir ; il acheta un champ à Anathoth, xxxii, 6-9, parce que Dieu lui avait révélé « qu’on posséderait de nouveau des maisons et des champs et des vignes dans le pays, » xxxii, 15, sous le règne heureux et glorieux du Messie, xxxiii, 11, 16-18. Cependant ces belles prophéties ne devaient se réaliser que longtemps après.

L’heure fatale sonna enfin. Jérusalem fut prise, le temple brûlé, le roi et les princes emmenés en captivité (588). Jérémie eut l’amer privilège d’être bien traité par le vainqueur. Il fut délivré de prison ; on lui laissa le choix d’aller à Babylone ou de demeurer en Judée. A Babylone, c’étaient les honneurs ; à Jérusalem, c’était la désolation. Il n’hésita pas ; il resta au milieu des ruines de la cité sainte et se retira ensuite à Masphat, xl, 6. Il avait consacré quarante ans de sa vie à prévenir ou à atténuer les malheurs qui venaient de fondre sur sa patrie ; n’ayant pu les empêcher, il voulut du moins les partager. Sur les débris fumants de Jérusalem et du temple, il composa ses immortelles Lamentations, où son exquise sensibilité se manifeste d’une manière si touchante. Il les écrivit,