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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/2493

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INTRODUCTION.


demption, sur le mérite de l’aumône et de la pauvreté évangélique, sur générosité nécessaire aux Apôtres. — Le récit qu’il fait de l’institution de l’Eucharistie diffère de ceux de S. Matthieu et de S. Marc ; mais il est presque identique avec celui que S. Paul fit vers la même époque aux Corinthiens ; les paroles sacramentelles sont suivies, dans l’un comme dans l’autre, de la même recommandation : « Faites cela, etc. » Il est aussi, avec l’Apôtre, le seul qui mentionne l’apparition de Notre Seigneur à S. Pierre après la Résurrection. — Enfin, on a remarqué que son élocution a quelque chose de l’abondance et de la facilité de S. Paul, de même que celle de S. Marc tient de la concision et de la fermeté de S. Pierre, et l’on a relevé de nombreuses coïncidences de pensée et d’expression avec les épîtres de l’Apôtre.

3o L’ouvrage n’est pas fait pour les Juifs. — L’auteur ne suppose pas à ses lecteurs une grande connaissance de la langue, des mœurs, de la géographie de la Palestine. Il ne cite aucune parole du Sauveur en hébreu. Il nomme toutes les localités par leur nom grec. Il dit : le mont appelé des Oliviers, la bourgade qu’on nomme Bethléem, la fête des azymes, connue sous le nom de Pâques. Il fait connaître la distance d’Emmaüs. Il avertit qu’Arimathie est en Judée, que Capharnaüm est en Galilée, aussi bien que Nazareth, mais non Gadare. Il évite de dire comme S. Matthieu : la cité sainte, les anciens. Il remplace Rabbi par Maître, Hosanna par une périphrase. Il présente Jésus-Christ comme le Sauveur du genre humain plutôt que comme le Messie de la nation juive. Sa généalogie ne s’arrête pas à Abraham ; elle remonte jusqu’à Adam, et montre que tous les hommes sont de la famille du Sauveur. Ce n’est pas par les rois de Juda, mais par une ligne collatérale qu’elle le rattache à David. Zacharie, à la naissance de son précurseur, comme Siméon dans le récit de sa Présentation, annonce l’aurore du salut au genre humain tout entier. Enfin les faits qui n’ont qu’un intérêt temporaire et local, comme les longues disputes des Pharisiens avec le Sauveur, sont constamment écartés.

4o Il est destiné aux Gentils. — Tout ce qui eût pu les choquer ou donner lieu aux Juifs de se mettre au-dessus d’eux est passé sous silence. Au lieu d’opposer aux enfants de Dieu les nations ou les Gentils, comme S. Matthieu, il leur oppose les pécheurs, terme qui peut s’appliquer aux Juifs comme au reste des hommes. Dans plusieurs endroits, il fait mention de l’empire, de ses magistrats, de ses officiers, et toujours avec une considération bien marquée. Il évite de leur attribuer le supplice du Sauveur. Quand il est question du royaume de Dieu, il fait remarquer qu’il est spirituel. Il recueille avec soin un grand nombre de traits négligés par S. Matthieu, qui étaient de nature, soit à humilier les Juifs, soit à toucher les païens et à leur donner confiance : le salut promis à Zachée et au bon larron ; le pardon accordé au prodigue et à la pécheresse ; la préférence donnée au publicain sur le pharisien et au Samaritain sur le prêtre et le lévite ; les paraboles de la brebis égarée, de la drachme perdue, du figuier tardif ; l’éloge fait par le Sauveur de plusieurs Gentils; sa prière pour ses bourreaux ; la conversion d’un larron sur la croix, et celle du centenier à la mort du Fils de Dieu. Aussi a-t-on dit de cet évangile en particulier qu’il est l’évangile de la miséricorde et que les paroles d’Isaïe, lues par le divin Maître dans la synagogue de Nazareth, pourraient lui servir d’épigraphe. L’Homme-Dieu y paraît comme le divin médecin. S. Matthieu l’avait présenté aux Hébreux comme Messie, et S. Marc aux Romains comme Fils de Dieu : S. Luc le présente aux Grecs,