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NOUVEAU TESTAMENT


APPENDICE


Note 1, p. 2326 et 2475 (Matt., i, 1-17 et Luc, iii, 23-38). — LA DOUBLE GÉNÉALOGIE DE NOTRE SEIGNEUR EN S. MATTHIEU ET EN S. LUC.

Pour rendre compte des différences qu’on remarque entre ces deux généalogies, il y a deux sentiments :

Le premier tient que S. Matthieu a donné la généalogie de S. Joseph, et S. Luc celle de la sainte Vierge. Cette hypothèse semble plausible pour deux raisons :

1o Il était naturel que S. Matthieu, écrivant pour les Juifs, fît voir que Jésus était l’héritier de David, et qu’il prouvât, par sa généalogie légale ou paternelle, qu’on ne pouvait contester au Christ le droit de succession. Il convenait également que S. Luc, qui écrivait pour les Gentils, considérât le Sauveur comme né de la femme, et qu’il exposât sa généalogie réelle. Après avoir annoncé si expressément que Jésus n’avait pas de père sur terre, il serait étonnant qu’il eût donné sa généalogie légale par son père putatif. Ajoutez que, dans le cas où il aurait voulu la citer, on ne verrait pas pourquoi il n’aurait pas suivi la même ligne que S. Matthieu.

2o Les termes employés par S. Luc : Jésus était, comme l’on croyait, fils de Joseph, qui le fut d’Héli, se prêtent sans effort à cette explication, soit qu’on traduise simplement : Jésus passait pour être fils de Joseph, lequel l’était d’Héli, en rapportant à Joseph le relatif qui, soit qu’on entende : Jésus était regardé comme né de Joseph, mais il l’était d’Héli, en rapportant le pronom relatif au mot Jésus énoncé précédemment. — Dans le premier cas, il faut admettre que Joseph tient la place de Marie son épouse ou qu’il est nommé comme gendre d’Héli, mais on sait que tel était l’usage chez les Hébreux ; et S. Luc n’avait pas à craindre de tromper personne par cette substitution, les chrétiens étant avertis par S. Matthieu que le véritable père de S. Joseph était Jacob, et la tradition assignant au père de la sainte Vierge précisément le nom de Joachim, synonyme d’Eliachim ou d’Héli. — Dans le second cas, les termes de la traduction écartent la difficulté et l’empêchent même de s’offrir à l’esprit. Il est vrai que ces mots : Qui fut d’Héli, ne doivent pas s’entendre d’une filiation stricte, mais d’une simple descendance, puisque Héli serait l’aïeul de Notre Seigneur et non son père proprement dit ; mais c’est le sens qu’on donne à ces mots dans une foule d’endroits de l’Ecriture et le seul qui s’offre ici, si l’on continue de rapporter à Jésus les mots qui suivent : Qui fut de Mathat, qui fut de Dieu. Il est vrai encore que cette traduction aurait peine à s’accorder avec le grec, si l’on s’attachait au texte reçu ; mais l’accord devient facile si l’on admet une leçon qui ne parait pas avoir moins d’autorité, celle des manuscrits du Vatican et du Sinaï, les plus anciens de tous.

Un second sentiment, très ancien et très commun chez les Docteurs jusqu’au quinzième siècle, regarde les deux généalogies comme propres à S. Joseph, et elle eu explique les différences par un usage juif, celui du lévirat. En Judée, quand une femme restait veuve et sans enfant, elle devenait l’épouse de son beau-frère ou d’un de ses proches, et les enfants qui naissaient de cette union prenaient le nom du premier mari défunt ; ils étaient censés les siens. De là pour un grand nombre la pluralité des généalogies, les lignes fictives ou légales s’adjoignant aux lignes naturelles ou à la descendance réelle. De là pour S. Joseph une double filiation, Jacob