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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/789

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INTRODUCTION AUX LIVRES DES PARALIPOMÈNES.


qui lui est particulière et la distingue de l’exposition objective des livres des Rois. Il résulte de là que nous sommes en droit de conclure… que, dans les parties où l’auteur a utilisé des documents aujourd’hui perdus, le chroniqueur n’a pas été moins exact ; qu’il n’a pas reproduit moins fidèlement les listes chronologiques qui lui sont propres, ainsi que les additions. » (Keil.)

On allègue contre la véracité des Paralipomènes l’exagération évidente, dit-on, de certains chiffres : 1o l’énormité des sommes d’or et d’argent recueillies par David, I Par., xxii, 14 ; xxix, 4 ; ou offertes par les principaux du peuple, xxix, 7, pour la construction du temple ; 2o le nombre excessif des soldats d’Abia, 400,000, et de Jéroboam, 800,000, dont 300,000 furent tués, II Par., xiii, 3, 17 ; 3o des soldats d’Asa, 580,000, et de Zara, roi d’Ethiopie ; 1,000,000, II Par., xiv, 8, 9 ; 4o des soldats de Josaphat, plus de 1,160,000, II Par., xvii, 14-19 ; 3o des femmes et des enfants emmenés prisonniers par Phacée, roi d’Israël, du temps d’Achaz, 200,000, II Par., xxviii, 8.

On ne saurait disconvenir que ces chiffres sont très considérables, Cependant il faut remarquer, relativement à la grande quantité de métaux précieux rassemblée par David et donnée par ses sujets, qu’il est impossible d’en déterminer la valeur réelle, parce que nous ignorons quel était alors le vrai poids du sicle ; que si néanmoins on en trouve le nombre excessif, ainsi que celui des autres passages, on peut admettre qu’il a été altéré, soit par l’inadvertance des copistes, soit par l’impuissance où ils ont été de lire dans leurs manuscrits les véritables chiffres.

Des altérations de ce genre existent dans divers livres des Saintes Écritures, Dieu n’ayant pas voulu faire de miracle pour en préserver le texte sacré. Ainsi, d’après I Rois, xiii, 5, les Philistins mettent en campagne 30,000 chariots et 6,000 cavaliers. Comme il est contre toute vraisemblance qu’un pays aussi petit que celui des Philistins pût posséder 30,000 chars de guerre, tandis que les plus grands empires ne les avaient point ; comme, par cavaliers, on entend dans la Bible les soldats combattant sur des chars ; comme enfin nous savons par les usages de l’Egypte, que chaque chariot portait deux hommes, il en résulte qu’au lieu de 30,000 il faut lire 3,000, ainsi qu’on l’admet généralement aujourd’hui. De même, il est dit, I Rois, vi, 19, que Dieu frappa à Bethsamès « 70 hommes, 50,000 hommes » (telle est la phrase hébraïque), pour avoir regardé indiscrètement l’arche renvoyée par les Philistins. La réunion des deux nombres juxtaposés, réunion contraire, par la forme, à tous les usages de la langue hébraïque, indique déjà à elle seule que nous avons là deux leçons, placées l’une à côté de l’autre par les copistes, qui ont ignoré quelle était la véritable, et dans l’incertitude, ont conservé les deux. On reconnaît assez communément, à cette heure, que la variante 50,000 est peu vraisemblable, parce qu’il est contre toute probabilité que Bethsamès comptât 50,000 habitants, et il aurait fallu qu’elle en possédât un bien plus grand nombre, pour qu’il en périt autant en cette circonstance. — De même que dans les livres des Rois, il est possible que des chiffres soient altérés dans ceux des Paralipomènes. Il est aussi facile de s’expliquer le fait dans les seconds que dans les premiers.

Ces erreurs purement matérielles proviennent de la confusion de certaines lettres hébraïques entre elles. S. Jérôme et les rabbins nous apprennent que les anciens Hébreux exprimaient les nombres, non pas tout au long, mais par de simples lettres de l’alphabet, ayant, comme en grec, la valeur de chiffres. Leur