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LOUISE LABÉ


Mais meintenant, voy si pour persister
En le suiuant me pourras resister.
Ainsi parloit, et tout eschaufé d’ire
Hors de sa trousse une sagette il tire,
Et decochant de son extrême force,
Droit la tira contre ma tendre escorce :
Foible harnois, pour bien couurir le cœur,
Contre l’Archer qui toujours est vainqueur.
La bresche faite, entre Amour en la place,
Dont le repos premierement il chasse :
Et de trauail qui me donne sans cesse,
Boire, manger, et dormir ne me laisse.
Il ne me chaut de soleil ne d’ombrage :
Ie n’ay qu’Amour et feu en mon courage,
Qui me desguise, et fait autre paroitre,
Tant que ne peu moymesme me connoitre.
Ie n’auois vu encore seize Hivers,
Lors que i’entray en ces ennuis diuers :
Et ià voici le treiziéme Esté
Que mon cœur fut par Amour arresté.
Le tems met fin aus hautes Pyramides,
Le tems met fin ans fonteines humides :