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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/79

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DE FOLIE ET D’AMOVR.


donneront charge que les plus fols y ſoient, n’eſtimant pouuoir eſtre bonne compagnie, ſ’il n’y ha quelque fol pour reſueiller les autres. Et combien qu’ils s’excuſent ſur les femmes & jeunes gens, ſi ne peuuent ils diſſimuler le plaiſir qu’ils y prennent, s’adreſſans touſiours à eus, & leur faiſant viſage plus riant, qu’aus autres. Que te ſemble de Folie, Iupiter ? Eſt elle telle, qu’il la faille enſeuelir ſous le mont Gibel, ou expoſer au lieu de Promethee, ſur le mont de Caucaſe ? Eſt il raiſonnable la priuer de toutes bonnes compagnies, où Amour ſachant qu’elle ſera, pour la facher y viendra, & conuiendra que Folie, qui n’eſt rien moins qu’Amour, lui quitte la place ? S’il ne veut eſtre auec Folie, qu’il ſe garde de ſ’y trouuer. Mais que cette peine, de ne ſ’aſſembler point, tombe ſur elle, ce n’eſt raiſon. Quel propos y auroit il, qu’elle uſt rendu une compagnie gaye & deliberee, & que ſur ce bon point la falluſt deſloger ? Encore ſ’il demandoit que le premier qui auroit pris la place, ne fuſt empeſché par l’autre, & que ce fuſt au premier venu, il y auroit quelque raiſon. Mais je lui montreray que jamais Amour ne fut ſans la fille de Ieuneſſe, & ne peut eſtre autrement : & le grand dommage d’Amour, ſ’il auoit ce qu’il demande. Mais c’eſt une petite colere, qui lui ronge le cerueau, qui lui fait auoir ces eſtranges afeccions : leſquelles ceſſeront quand il ſera un peu refroidi. Et pour commencer à la belle premiere naiſſance d’Amour, qui ha il plus deſpouruu de ſens, que la perſonne à la moindre occaſion du monde vienne en Amour, en receuant une pomme comme Cy-