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« Le Chant de la Paix »

— Sachant, que je suis comprise, il serait malséant pour moi d’insister davantage, je devine à mon tour toute l’importance de votre secret. Puisse-t-il semer avec autant de libéralité les consolations, qu’il sème le désespoir…

— Ah ! taisez-vous, Lucia, taisez-vous ! Faut-il vraiment que, de tous côtés.je sois accablé ? n’y a-t-il pas une limite à ma douleur ?… Oui je souffre… je souffre à tel point que j’ai peur que mon bras affaibli par cette souffrance ne puisse brandir avec autant d’efficacité qu’autrefois, l’épée destinée à défendre la France… Oui, Lucia, il y a dans mon cœur un tel abîme de désolation que je voudrais, après avoir réussi à libérer la France de ses oppresseurs, être mortellement frappé d’une balle, afin de ne pas avoir à supporter plus longtemps l’affreux supplice auquel je ne puis me soustraire…

— Jean, à mon tour je vous prie de vous taire ; vraiment vos paroles me remplissent d’une terreur indescriptible… N’y a-t-il aucun espoir que je connaisse votre secret ? En toute franchise, il me semble que vous paraissez en exagérer les conséquences et qu’il est impossible que l’avenir soit pour vous aussi sombre.

— Hélas ! je n’exagère rien ; si ma conscience ne m’empêchait pas de vous dévoiler mon secret, vous verriez jusqu’à quel point la vie peut être cruelle pour moi… Ces paroles pourront peut-être un jour vous faire deviner ce que je suis forcé de vous cacher en ce moment : permettez-moi, Lucia, de n’en laisser rien paraitre, afin de ne pas augmenter le poids de mon lourd sacrifice.

— Ne pouvant rien changer du destin, il faut bien que je me résigne comme vous à souffrir… Votre secret deviendra le mien, et me deviendra sacré, puisqu’en plus de vous faire souffrir, il brise à jamais ma vie…