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Roman illustré du « Soleil »
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Je comprends très bien à quel point mon aveu peut vous faire souffrir, mais connaissant tout ce que j’ai souffert moi-même, pardonnez-moi, et ne me maudissez pas… Vous êtes Jeune… vous êtes beau, votre avenir n’est pas brisé… Vous rencontrerez sûrement une femme qui sera digne de votre amour ; alors le parfait bonheur quelle vous apportera aura tôt fait d’effacer le passé…

Jean tressaillit ; cette révélation jetait un tel désarroi dans son esprit, qu’il se sentait incapable de formuler une phrase quelconque. Ce silence qui ne dura que quelques moments, parut long comme un siècle à la pauvre Rita, car elle comprenait bien que c’était sa vie qu’elle venait de jouer. Comme le meurtrier devant son juge, elle attendait les mots de salut ou de mort qu’il allait prononcer, Enfin, Jean se leva, puis s’avançant vers Rita, ce fut d’une voix vibrante qu’il lui dit :

— Rita, il me semble que je ne mérite pas que vous me traitiez aussi cruellement, n’ai-je pas été pour vous l’ami fidèle qui n’a cherché que votre bonheur ? Qu’avez-vous donc à me reprocher ?

— Oh ! Jean, je ne puis rien vous reprocher, reprit vivement Rita qui avait maintenant peur de se trahir, vous avez été bien bon pour moi. Je n’oublierai jamais tout le bonheur que vous avez semé sur mon chemin… Si je n avais connu la grandeur de votre âme, la bonté de votre cœur, jamais je n’aurais eu la force et le courage de vous dévoiler mon douloureux secret… À cet instant, Jean, je sais ce qui se passe en vous-même… Vous me méprisez peut-être, mais plus tard vous me comprendrez ; alors vous aurez peut-être pitié de moi… Songez que l’avenir nous apparaît plein de tristesse, que la guerre, l’affreuse guerre, jette partout deuil et désolation, la France agonisante