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« Le Chant de la Paix »

brisé ton cœur… J’ignorais ton amour pour cet homme.

— Rien de ce qui m’est arrivé ne peut vous être attribué, la vie seule fut mon bourreau… Voyez comme Dieu dans sa magnanime miséricorde, a eu pitié de ma grande détresse. Sachant que je ne pouvais me rendre à lui, dans sa bonté il est venue à moi. Je dois donc sans peine et sans murmure, m’incliner devant sa volonté… La mort qui me menace est sans doute le seul remède qui existe pour mon cœur blessé.

— Nul plus que moi-même ne peut comprendre l’étendue de ton malheur, mais si vaste, soit-il, il ne justifie pas à mes yeux ton profond désespoir. As-tu donc oublié que le temps, remède infaillible, efface du cœur les plus profondes blessures que souvent le souffle de l’espoir ravive sous les cendres du passé des feux qui semblaient à jamais éteints ?

Laisse-mo te secourir, te soustraire à cette mort ignominieuse… Le peuple que tu as sauvé par le sacrifice de ton honneur, ne doit pas en plus faire verser ton sang…Prends dans ce paquet les vêtements nécessaires à ta fuite ; au moyen de ce voile épais, le garde qui m’a guidée vers ton cachot te reconduira à la sortie sans se douter de la substitution. Libre enfin, tu n’auras plus rien à craindre par ce stratagème : tu seras devenue la baronne de Castel… tu retrouveras au château de la Roche-Brune mes parents qui t’aiment à l’égal de mol-même. Lorsqu’ils auront appris ton héroïsme sans nom, et combien la vie te fut cruelle, Ils seront aussi heureux d’apprendre que je ne suis pas une lâche, que je n’ai pas reculé devant mon devoir qui m’obligeait à te remettre l’amour et le bonheur qu’involontairement je t’ai volés… Ils comprendront que tu as déjà trop souffert, qu’il est juste que j’offre à mon tour un peu de mes souffrances, pour la France qui est pour moi comme pour toi-même ma patrie…