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Roman illustré du « Soleil »
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— Madame, reprit Rita, émue jusqu’aux larmes, ce que j’éprouve en ce moment ne saurait se décrire. Il n’est pas de mots qui puissent exprimer ce que restent l’infortunée, lorsqu’une âme compatissante abaisse son regard vers elle et lui accorde sa suprême pitié… Dieu ne doit pas permettre que de telles actions restent sans récompense ; les bienfaits qu’elles apportent à cette âme désemparée sont si grands qu’ils doivent inévitablement rejaillir sur le cœur de celle qui sait les prodiguer… Il est vrai que le sacrifice que vous êtes prête à vous imposer pour mol n’est inspiré que par la noblesse, la grandeur de votre cœur, mais il ne doit pas s’accomplir, pour des raisons que nulle puissance ne peut changer ici-bas. Ayant entendu, par hasard, la confession que Jean vous fit au château, le soir de mon dernier concert, je ne peux par conséquent douter de ses sentiments à mon égard. Aussi, lui ai-je rendu définitivement sa liberté, avant son départ pour le suprême assaut qu’il dirige en ce moment. Ne serait-ce pas agir cruellement envers lui que d’accepter cet échange, qui lui enlèverait à tout jamais la récompense qu’il mérite… Songez que s’il brandit l’épée avec autant de force et d’énergie, c’est que rien ne l’empêche maintenant de rêver au bonheur que seule vous pouvez lui offrir… Minée par un mal implacable, je me sens impuissante à retenir la vie qui m’échappe, déjà je sens le froid de la mort parcourir mes membres. Je comprends que la balle qui doit me frapper n’annoncera que de quelques instants la fin de mon existence… À quoi bon exposer inutilement votre vie… Croyez-vous, dans votre bonté, qu’il soit possible que je ne me substitue à votre éclatante personne sans que les soldats qui me saisiront se rendent bien vite compte de leur erreur… Condamnée vous-même pour avoir cherché à protéger une traîtresse à son pays, vous doubleriez par votre mort le chagrin de vos vieux parents, qui eux-mêmes succomberaient sous