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fin de roman

— Tu devrais t’acheter une crème, un onguent, un produit à la pharmacie pour faire disparaître ces choses-là, conseillait Mme Perron.

Luce demanda de l’argent à sa mère, mais celle-ci refusa, disant :

— C’est parce que tu as le sang pauvre. C’est ton âge. Il y en a bien d’autres que toi comme ça. Pas besoin de dépenser d’argent. Ça passera tout seul. J’dis pas, si tu étais malade, tu pourrais voir le docteur mais tu es bien.

Rien pour sa fille. C’était une mère remplie de tendresse que Mme Botiron.

Certains jours, Fernand Roupy, l’ami de madame, lui apportait un livre et alors, elle passait l’après-midi plongée dans sa lecture, ne voulant être dérangée par personne.

— Ce volume-là, ça coûte dix piastres, déclarait Mme Perron à Luce en lui montrant un ouvrage richement relié qu’elle avait en mains.

— Une chance que je ne lise pas, s’exclamait Luce, parce que ça coûte cher. Et elle continuait : À l’école des sœurs, ma maîtresse de classe m’avait passé un livre, La Roulotte du bon Dieu. Je l’ai eu cinq mois et j’en ai lu quarante-neuf pages. La religieuse me l’a ensuite ôté parce que d’autres élèves voulaient l’avoir. Je ne l’ai jamais fini.

Lorsque l’ami de Mme Perron amenait des camarades pour souper, l’un de ceux-ci tentait parfois de prendre quelques familiarités avec la petite servante, mais elle se dérobait sans paraître autrement taquinée. Elle acceptait cela comme une plaisanterie. La vie était bien agréable pour Luce. Il arrivait certains soirs que les invités restaient à table très tard dans la nuit. Alors, Mme Perron et la bonne dormaient jusqu’à midi le lendemain. Désirant la voir mise convenablement, Mme Perron avait donné à Luce