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fin de roman

— Je regrette, messieurs, de vous déranger, mais je vous prierais de vous retirer.

Extrêmement embêtés, les convives se levèrent sans rien dire. Hésitant, indécis, l’artiste de la radio regardait son amante, se demandant ce qu’il devait faire, mais celle-ci lui indiqua d’un mot la conduite à suivre : « File ! » L’homme prit alors son chapeau et se préparait à sortir à la suite de ses camarades, mais M. Perron le rappela.

— Vous oubliez votre portrait. Je n’en ai pas besoin.

Roupy prit alors la photographie encadrée, la mit sous son bras et sortit après avoir jeté un dernier regard à sa blonde.

M. Perron regardait sa maîtresse pratiquement nue dans sa robe de voile.

— Prends tes nippes et va rejoindre tes amis, fit-il en s’adressant à la femme qui l’avait trompé.

— Et toi, ajouta-t-il, parlant à la petite servante, retourne dans ta famille si tu en as une.

Et c’est ainsi que Luce perdit sa place.

Elle avait acquis une expérience de la vie.

Une petite annonce parue dans un journal conduisit Luce à une ancienne maison en pierre, rue Dorchester. Elle fut reçue dans un petit parloir par une grande et maigre femme d’une quarantaine d’années, aux formes anguleuses, aux cheveux déjà grisonnants et toute vêtue de noir. D’épaisses lunettes donnaient un air encore plus sévère à une figure déjà austère.

Accroché au mur, au fond de la pièce, vis-à-vis la porte d’entrée, était un cadre avec l’inscription DIEU ME REGARDE.

— Vous demandez une servante ? interrogea Luce.