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fin de roman

Quelques semaines après son arrivée, Luce était allée porter le souper au père Anthime, malade à l’infirmerie. Alors, une fois dans la chambre, le vieux l’avait empoignée et avait tenté de la jeter sur le lit, mais la fille avait réussi à se dégager et à s’échapper. En toute hâte, elle était descendue raconter à Madame Gertrude ce qui venait d’arriver. Celle-ci était alors montée pour rabrouer le vieux vicieux. Elle lui avait fait un sévère sermon et avait terminé en disant : « Rappelez-vous que vous êtes l’un des pauvres du bon Dieu. Vous devriez avoir honte d’attenter à la vertu d’une fillette. »

— Madame, avait répondu le vieux, si ce sont des saints que vous voulez avoir dans votre maison, il vous faudra aller en chercher au ciel. Vous n’en trouverez pas sur la terre.

Le jeudi saint au matin, la directrice de la maison annonça aux Douze pauvres du bon Dieu qu’à trois heures de l’après-midi aurait lieu le Lavement des pieds. Cette cérémonie imitée de celle de Jésus lors de la dernière cène, se déroula dans le réfectoire. C’est Madame Gertrude elle-même qui, par humilité et par amour des pauvres, lava religieusement les pieds de ses pensionnaires. Mlle Colas les essuyait et Luce transportait le baquet d’eau tiède et portait le savon et les serviettes. Celle-ci se faisait cette réflexion qu’il faut toutes sortes de gens pour faire un monde. Vers cette époque, le vieux Simon Bornet reçut de fréquentes visites de son neveu, M. Léon Bornet. Ce dernier eut dans les circonstances plusieurs entretiens avec Madame Gertrude. Puis, un jour une nouvelle, une étonnante nouvelle éclata soudain. Madame Gertrude épousait M. Bornet, veuf et père de cinq enfants. La maison ferma ses portes. Avant d’entrer dans le céleste séjour, les Douze