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fin de roman

voyait jamais que ses compagnes de travail avec lesquelles elle n’avait presque jamais le temps de parler, qu’elle était toujours seule et que la solitude lui pesait, elle sourit à son tour. Son repas terminé et après avoir réglé sa note, le garçon se leva et vint s’asseoir à la table de Luce. Les deux jeunes gens causèrent pendant quelques minutes puis Luce déclara : « Je vais rentrer pour me reposer, car je suis très fatiguée de ma journée. » 一 Je vous accompagne jusqu’à votre porte, si vous le permettez, dit-il.

Pendant leur brève conversation, elle lui apprit qu’elle travaillait depuis plus d’un dans une usine de guerre. Lui, raconta qu’il avait été aviateur pendant vingt-deux mois, que son appareil avait été descendu par les Allemands, qu’il avait atterri en parachute, mais avait été fait prisonnier et envoyé dans un camp de concentration, qu’il avait réussi à s’échapper et qu’après toute une série d’aventures incroyables, il était parvenu à se rendre en Angleterre, puis à revenir au Canada. « Il y aurait de quoi écrire tout un livre avec ce qui m’est arrivé pendant trois ans, » affirma-t-il.

Ils se dirent bonsoir.

— J’espère vous revoir demain au restaurant, déclara-t-il en la laissant.

De toujours vivre solitaire, enfermée en elle-même, sans amies, sans camarades, Luce souffrait de ne pouvoir se confier à personne, de ne pas combler ce besoin d’affection qui était en elle. Alors, la rencontre du jeune aviateur qui avait été gentil, aimable et si intéressant, lui avait procuré une sensation qu’elle n’avait jamais éprouvée auparavant. Elle s’abandonnait avec délices au souvenir de ces quelques minutes passées avec l’inconnu, car il ne lui avait pas encore dit son nom. Déjà, elle avait hâte d’être