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Page:Laberge - Fin de roman, 1951.djvu/126

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fin de roman

Lorsqu’elle retournait à sa cellule, elle aurait aimé se reposer, mais il n’y avait pas moins de six appareils de radio dans cette maison et plusieurs restaient ouverts jusqu’à minuit, de sorte qu’il lui était impossible de dormir. Elle patientait cependant, n’ayant pas le courage de se chercher un autre gîte. Un incident inattendu la décida toutefois à agir. À plusieurs reprises lorsqu’elle allait au restaurant, elle constatait au moment de payer qu’il lui manquait de l’argent dans sa bourse. « C’est curieux, j’ai perdu deux piastres. Je me demande comment c’est arrivé »,se disait-elle. Un autre jour, elle avait égaré un billet d’une piastre. « Depuis quelque temps, je suis terriblement malchanceuse, » s’avouait-elle à elle-même. « Je perds mon argent et je ne peux m’expliquer comment cela peut se produire ». Or un soir que sa compagne était venue causer avec elle pendant quelques minutes, Luce eut affaire à sortir un moment. Lorsqu’elle rentra l’instant d’après, elle aperçut sa camarade qui fouillait dans sa bourse. Elle comprit alors comment elle perdait son argent. À quelques jours de là, elle déménagea, s’éloignant des barbares appareils de radio et de la voleuse.

La femme d’un soldat qui combattait en Europe lui loua une petite chambre où, après avoir mangé au restaurant, elle rentrait terriblement fatiguée. Parfois, mais rarement, elle allait au cinéma. D’ordinaire, elle ne tardait pas, fourbue qu’elle était, à se mettre au lit et à dormir d’un sommeil de brute. En somme, une existence affreusement monotone, sans distractions, sans joie.

Un soir, elle remarqua à la table voisine de la sienne, au restaurant, un jeune homme d’environ vingt-cinq ans, qui la regardait avec insistance. À un moment, comme leurs regards se rencontraient, il lui sourit. Alors, comme elle ne