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fin de roman

sisterai pas à ton service. Et si par hasard, tu en réchappes, n’essaie pas de me rejoindre. L’usine ferme ses portes dans deux jours. Alors, je n’ai plus rien à faire ici. Je vais m’en aller le plus loin possible, afin de ne plus jamais entendre parler de toi. Et tâche de crever. Ton mari qui te hait depuis vingt ans. »

Ce même jour, la mère Botiron expirait à l’hôpital sans avoir lu la lettre de son mari.

Les enfants à la maison furent envoyés dans un orphelinat.

Luce traversait de mauvais jours. La nuit, elle ne pouvait dormir, l’esprit continuellement hanté par cette idée qu’elle était enceinte, que dans quelques mois elle donnerait naissance à un enfant qui aurait peut-être le même triste sort que sa mère. Puis, elle continuait à souffrir de ses rhumatismes, surtout lors des temps humides et froids. Mais il lui fallait travailler en dépit de tout, travailler quand même puisque Mérou attendait toujours l’emploi qu’il avait « acheté » et qu’elle était obligée de subvenir à ses besoins. Heureusement qu’il l’aimait. Ah ! être aimée, c’est une grande consolation au milieu des tribulations de la vie. Elle qui n’avait jamais connu l’affection de son père ni de sa mère, avait enfin rencontré l’amour qui colore une existence terne et misérable. Un soir, alors qu’il entrait à la chambre de Luce, Mérou annonça : — J’ai reçu aujourd’hui une mauvaise nouvelle. Un télégramme de Drummondville m’apprend que ma mère est morte.

— Ta mère est morte ! répéta Luce en écho. Tu as toutes mes sympathies.